Sous des allures démocrates et gay-friendly, #Hollywood est-il l’endroit idéal pour sortir du placard ? Rien n’est moins sûr.

Salué par les réseaux sociaux et ovationné par un public ému, le coming-out d’Ellen Page vendredi dernier, lors d’une conférence organisée par la Human Rights Campaign, a impressionné. Le monologue a étonné par un texte émouvant empreint de tolérance et d’humanité. De courage aussi : pour oser avouer son homosexualité, une carrière conjuguée au passé s’avère parfois nécessaire. Sa voix tremblante – limite hésitante – semblait dévoiler un secret inavouable. Comme si l’homosexualité était honteuse au pays des strass, des paillettes et du « clap » incessant.
Beauté (voire perfection), minceur (voire maigreur), jeunesse (voire jeunisme) sont les standards de l’industrie cinématographique. Des normes auxquelles on peut sans doute ajouter l’hétérosexualité comme le suggérait le discours de l’actrice : « C’est étrange parce que me voilà, en tant qu’actrice, représentant -au moins d’une certaine façon- cette industrie qui nous écrase tous de ses standards. Pas juste les jeunes, mais tout le monde. Des standards de beauté, de vie réussie, de succès. Des standards qui, je déteste l’admettre, m’ont affectée. Vous avez des idées plantées dans la tête, des pensées que vous n’aviez jamais eues auparavant, qui vous disent comment agir, comment vous habiller et qui vous devez être. J’ai essayé de les repousser, d’être authentique, de suivre mon coeur, mais ça peut être difficile ».
Petit rafraîchissement de mémoire en vidéo :

Coming-out caché et carrière freinée

Les sorties du placard bisexuelles ne semblent aucunement gêner l’industrie du star-system. De Lindsay Lohan à Lady Gaga, l’amour pour les deux sexes ajoute un brin de folie à l’image des vedettes sans pour autant l’ébranler, bien au contraire. C’est que ces aveux rassurent : « Ne vous tracassez pas, on aime toujours les hommes ». Il semblerait à l’opposé que l’homosexualité altère la réputation des acteurs… devant les producteurs tout du moins. C’est comme ça qu’après avoir avoué son homosexualité, Rupert Everett (acteur du « Mariage de mon meilleur ami ») vit sa carrière freinée. N’ayant plus eu de proposition de rôle pendant dix ans, l’acteur avait confié au magazine gay The advocate qu’il ne conseillait pas aux acteurs homosexuels de faire leur coming-out.

En 2010, l’acteur Richard Chamberlain faisait de même en déclarant : «C’est compliqué. Il y a toujours une homophobie terrible dans notre culture. C’est regrettable, stupide, cruel et c’est immoral. Mais c’est ainsi.»

Retour vers le futur

Pourtant, un regard sur l’histoire aurait pu leur donner la puce à l’oreille. Sous la censure, le cinéma américain a longtemps et durement enfermé ses comédiens dans le placard. Ainsi, les mariages arrangés « pour faire croire que » (lavender marriages) et les contrats stipulant l’interdiction de déclarer ses orientations sexuelles n’étaient pas rare dans le Hollywood des années 50. Si le pacte était brisé, la note était amère : dans les années 1940, Lizabeth Scott paya de sa carrière sa fréquentation de clubs queer. Une censure scandaleuse qui fait l’objet d’un livre Behind the screen : how gays and lesbians shaped Hollywood de William J. Mann.

Les acteurs cultes qui ont caché leur homosexualité sont nombreux : Marlon Brando, James Dean, Cary Grant, Greta Garbo… Et si le coming-out est fait en privé depuis longtemps, il vient souvent bien plus tard publiquement. C’est le cas de Jodie Foster qui a attendu ses 50 ans pour avouer préférer les femmes au Golden Globes 2013. L’actrice est loin d’être la seule à avoir assumé ses préférences. Le comédien Chris Colfer, interprète de Kurt dans la série Glee, n’a pas surpris en avouant préférer les hommes. On pense aussi au coming-out plus surprenant de Neil Patrick Harris, le serial-lover de How I Met Your Mother, ou à celui de TR Knight, l’adorable Dr O’Malley dans Grey’s anatomy. Très récemment encore, Michelle Rodriguez a avoué être en couple avec la top Cara Delevingne. Malgré ces coming-out en série, il reste difficile de faire des aveux à une industrie cinématographique soupçonnée d’homophobie.

L’hétéronorme sur grand écran

En 1934 le code Hays apparut : interdiction formelle de parler d’homosexualité au cinéma. Les homos du cinéma furent effacés des scénarios ou transformés en travestis ou en « erreurs de la nature ». Ils furent même utilisés pour avertir de dangers fantasmagoriques de l’homosexualité : psychopathes, maniérés, assassins, etc. La censure pouvait être levée si le gay était méchant et mourrait à la fin du film… En 1966, ce code censé protéger la décence disparu. Soulagement. Le cinéma ouvrait à nouveau la porte à la tolérance.
Une porte pourtant laissée entrouverte puisque l’année dernière, le GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation) a publié un rapport (lisible ici) concernant la présence des personnages gays au cinéma. Le résultat n’est ni brillant ni rassurant et met La vie d’Adèle , Harvey Milk ou encore Le Secret de Brokeback Mountain au rang des exceptions. Il apparait que sur 101 longs-métrages sortis en 2012 étudiés par GLAAD, seuls 14 ont dans leur casting des personnages lesbien, gay, bi ou trans (LGBT). Alors que le petit écran semble faire des efforts, son grand frère reste à la traîne.
Alors bien sûr, il ne faut pas confondre fiction et réalité, mais le doute persiste quant à la frilosité homosexuelle du cinéma hollywoodien. À l’ère du « Mariage pour tous », lever le tabou reste une aventure audacieuse dont des acteurs à l’instar d’Ellen Page sont les héros.

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