Souvenir : Matthew Shepard, né le 1er décembre 1976 et mort le 12 octobre 1998

Torturé et assassiné par deux hommes, Aaron McKinney et Russell Henderson, à l’âge de 21 ans, en raison de son homosexualité, le calvaire du jeune homme a mené à l’adoption d’une loi contre les crimes de haine aux Etats-Unis, en 2009, et à d’innombrables commémorations et initiatives à travers le monde.

Sa vie

Matthew Shepard, né le 1er décembre 1976 à Casper (Wyoming). Après avoir vécu quelque temps en Suisse, il étudie les sciences politiques à l’université du Wyoming, dont il est major en première année. Lors d’un voyage scolaire, en 1995, Matthew Shepard est frappé et violé, ce qui provoque chez lui une dépression et des crises d’angoisses. Trois ans plus tard, le 6 octobre 1998, il se retrouve seul au Fireside Bar, à Laramie, après le départ de ses amis1. Matthew se fait aborder par deux jeunes gens, Aaron McKinney et Russell Henderson, qui lui demandent s’il est homosexuel. Ceux-ci se font alors passer pour des gays et lui proposent un tour de voiture, ce que Matthew Shepard accepte.

Les deux individus l’emmènent alors dans un lieu isolé et le font sortir du véhicule à coup de crosse de 357 Magnum. L’ayant attaché à une barrière, ils le dépouillent, le torturent et le frappent jusqu’à lui briser le crâne. Le croyant mort, ils l’abandonnent.

Prévenus par un cycliste l’ayant d’abord pris pour un épouvantail, les secours arrivent sur place 18 heures après l’agression et le transportent à l’hôpital de Poudre Valley, dans le Colorado. Il présente de multiples coupures au visage, certaines atteignant l’os, et de nombreuses brûlures sur le corps. Il meurt dans la soirée du 12 octobre 1998, après avoir passé plusieurs jours dans le coma, entouré des siens.

Dès l’annonce de sa mort, les associations gays ont décidé de réagir en organisant des candlelight vigils, des veillées où chacun vient avec sa bougie. Le but était double : se rassembler pour rendre un hommage silencieux et ému à Matthew et réclamer l’adoption de la loi contre les crimes haineux afin d’éviter que cette tragédie ne se reproduise.

La première veillée a eu lieu le 15 octobre, à Washington, sur les marches du Capitole. Plus de 5 000 personnes s’y sont rassemblées, des sticks phosphorescents à la main, pour écouter les discours d’amis de Matthew, de stars, de représentants des associations gays et de défense des droits de l’homme, et d’hommes politiques.

Le 16 octobre, jour des funérailles, les pages d’accueil des sites internet homosexuels prennent le noir comme couleur dominante. Ce même jour, des militants de la Westboro Baptist Church, emmenés par leur pasteur Fred Phelps, manifestent près de l’église où a lieu la cérémonie, au cri de « God hates fags » (Dieu déteste les pédés), en brandissant des pancartes « Matt in hell » (Matthew en enfer). Romaine Patterson, une amie de Shepard, organise une contre-manifestation. Des personnes portant des robes blanches et des ailes gigantesques (ressemblant à des anges) se rassemblent autour du groupe d’homophobes et masquent leurs pancartes, permettant aux funérailles de se dérouler dans le respect.

En 1999, les deux assassins de Matthew Shepard, Russell Henderson et Aaron McKinney, alors âgés de 21 et 22 ans, sont condamnés à la perpétuité, sans possibilité de libération.

L’histoire de Matthew Shepard a inspiré trois films : The Laramie Project (d’après la pièce du même nom), The Matthew Shepard Story (en) et Anatomy of a Hate Crime. The Laramie Project et The Matthew Shepard Story ont tous deux reçu de nombreux prix.

Plusieurs artistes ont évoqué le crime dans leurs chansons : Melissa Etheridge (« Scarecrow » dans son album Breakdown, 1999), Elton John et Bernie Taupin (« American Triangle » dans Songs from the West Coast, 2001, chœurs de Rufus Wainwright), Amy Ray (« Laramie », dans Stag, 2001), Ron Sexsmith (« God Loves Everyone », dans Cobblestone Runway, 2002), Janis Ian (« Matthew », dans Billie’s Bones, 2004), Thursday (« M. Shepard », War All the Time, 2004), Cyndi Lauper (« Above the Clouds », dans The Body Acoustic, 2005), Tori Amos (« Merman », dans A Piano: The Collection, 2006), Brian Houston (« The Ballad of Matthew Shepard », dans Sugar Queen, 2006), et plusieurs autres, dont Trivium avec la chanson And Sadness will sear.

Une loi contre les crimes de haine fondés sur l’orientation sexuelle a été déposée le 20 mars 2007, au nom de Matthew Shepard. Elle est passée au Sénat des États-Unis, mais le président George W. Bush a indiqué qu’il lui opposerait son veto. Réintroduit plusieurs fois sous diverses formes, le Matthew Shepard Act a été adopté par la Chambre des Représentants le 8 octobre 2009, puis par le Sénat le 22 octobre 2009, et enfin signé par le président des États-Unis Barack Obama le mercredi 28 octobre 2009.

La polémique

Le 1er octobre 2013 sort une enquête de Steven Jiminez qui vient contredire fortement la thèse du « martyr gay ». Selon cette enquête, Shepard était dealer et connaissait ses agresseurs avec qui il aurait eu des relations sexuelles avant le soir du drame. Son meurtre serait motivé par la drogue et non par son orientation sexuelle. La qualité de cette enquête a été critiquée par la Fondation Matthew Shepard.

Stephen Jimenez, un journaliste gay, affirme avoir accumulé des témoignages qui tracent le portrait d’un jeune homme qui se prostituait auprès d’hommes afin de s’acheter de la drogue. En outre, il aurait eu plusieurs rapports sexuels avec Shepard, lui-même gros consommateur de stupéfiants. Or selon l’auteur, Shepard avait réceptionné 170g de crystal meth peu avant son assassinat. Cette drogue de synthèse aurait été convoitée par ses deux futurs meurtriers, en état de manque.

Dans «The Book of Matt: Hidden Truths About The Murder of Matthew Shepard», Jimenez analyse comment les questions de toxicomanie et des effets des méthamphétamines au moment du crime n’ont pas été prises au sérieux au cours du procès. Les débats avaient tourné autour de l’orientation sexuelle de Shepard, ouvertement gay. Quant aux deux prévenus, ils avaient prétendu avoir agi sous le coup de la «panique homosexuelle», une pulsion prétendument incontrôlable face à des avances d’une personne du même sexe. Aaron McKinney et Russell Henderson ont finalement été condamnés à la prison à vie, en 1999.

«Épouvantable journalisme»

Le livre de Jimenez a été hué par une partie de la presse gay américaine, qui a accusé l’auteur de rejeter le crime sur sa victime. Moises Kaufman, le réalisateur du film tiré de la pièce «The Laramie Project» a qualifié l’enquête d’«épouvantable journalisme». Tous ne sont pas de cet avis. Certains éditorialistes ont relevé que le travail de Jimenez rassemblait de nombreux éléments déjà évoqués par les protagonistes de l’affaire, mais passés sous silence au profit d’un «mythe» Shepard immaculé.

«Sous certains aspects, l’histoire que nous avons embrassée était nécessaire pour l’histoire des droits des gays: cela a galvanisé une génératioon de jeunes LGBT, résume Aaron Hicklin dans le magazine gay «The Advocate». […] Qu’il s’agisse d’un crime de haine, d’un crime lié à la drogue, ou d’une combinaison des deux, il est difficile de se débarrasser de l’idée que la haine de soi et la culture macho, qui ont poussé McKinney à se détester lui-même et à détester ce que Shepard avait appris à accepter, faisaient partie des facteurs qui ont mené à l’assassinat.»

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Avec 360.ch et wikipedia.org