Depuis septembre 2024, la Russie propose un visa de résidence inédit aux étrangers partageant ses fameuses « valeurs spirituelles et morales traditionnelles ». Présenté comme une alternative aux « idéologies néolibérales destructrices » de l’Occident, ce dispositif se veut un outil de rayonnement conservateur à l’échelle mondiale. Un genre de havre pour esprits tourmentés par le mariage pour tous·tes, les droits des minorités, le féminisme, la Pride et autres grands périls de la modernité.
480 visas, une affluence (très) contenue
Mais six mois plus tard, seuls 480 visas ont été délivrés. Une affluence (très) contenue donc, surtout à l’échelle d’un pays qui enregistre plusieurs millions de demandes de visa par an. Quand Moscou tend les bras aux homophobes en exil ! On est plus proche de la niche idéologique que de l’élan migratoire. Une boîte à fantasmes pour réactionnaires en mal d’asile moral — beaucoup de bruit, très peu de bagages.
Il faut dire que la Russie ne coche pas vraiment les cases d’une destination rêvée, même pour les plus fervents croisés de la lutte « anti-woke ». Entre une économie exsangue plombée par les sanctions, une guerre qui s’enlise en Ukraine, un climat de surveillance généralisée, et une société peu hospitalière même envers ses alliés de circonstance… l’exil idéologique prend vite des allures de punition volontaire.
Un visa sans droits, mais avec des dogmes
D’autant que ce visa ne propose aucun avantage concret. Pas de passe-droit vers la citoyenneté, pas d’accès facilité au marché du travail, pas de filet de sécurité ni d’insertion prévue. Juste une bénédiction morale du Kremlin et l’assurance de vivre dans un État où la Pride est bannie et la diversité traquée.
À titre de comparaison, le programme EB-5 des États-Unis permet d’obtenir une green card en échange d’un investissement de cinq millions de dollars — avec, à la clé, des perspectives économiques réelles et une intégration active. En Russie, seule compte l’allégeance idéologique. Homophobe, anti-féministe, climatosceptique ? Bienvenue. Mais sans espoir de stabilité ou de droits.
Un outil de propagande
Car ce visa n’a jamais été pensé pour attirer des talents. Il n’est pas stratégique, il est symbolique. Un outil de propagande pour mettre en scène un prétendu clivage civilisationnel avec l’Occident et flatter l’électorat conservateur russe, nostalgique d’un ordre moral rigide. Un visa plus utile à l’intérieur qu’à l’international — un papier pour ceux qui rêvent d’un monde sans arc-en-ciel, mais pas assez pour faire leurs valises.