En octobre 2014, le prêtre Wendelin Bucheli faisait les gros titres des médias suisses et étrangers. Il avait reconnu avoir béni un couple de deux femmes lesbiennes bien connues dans sa paroisse de Bürglen, commune uranaise de 4000 âmes. Le prêtre expliquait avoir mûrement réfléchi son acte, qu’il savait audacieux. Au même moment, le pape François initiait une réflexion sur l’attitude de son Eglise face aux différentes formes de couples et de familles, y compris celles qui ne correspondent pas à ce que préconise la doctrine catholique. Il s’ensuivit des discussions restées secrètes entre le curé et son supérieur, l’évêque de Coire, Vitus Huonder, pour qui «l’amour homosexuel est un péché». Il est de son devoir, dit-il, de faire respecter cette position. Les critiques libérales ne l’ont jamais ébranlé mais plutôt conforté dans sa mission.
Wendelin Bucheli paie aujourd’hui la note pour son indépendance. Comme l’a révélé hier NZZ am Sonntag, il est contraint de quitter la paroisse où il officiait depuis dix ans. Cet été, il trouvera refuge dans le diocèse de Fribourg, Lausanne et Genève, où il fut auparavant le prêtre des catholiques alémaniques en ville de Fribourg. Il sera à disposition de l’évêque Charles Morerod pour une tâche encore non précisée.François-Xavier Amherdt, lui-même prêtre et professeur à l’Université de Fribourg, n’est pas totalement surpris de cette issue. Sans connaître les discussions des intéressés, il imagine que la confiance était rompue. «La mise à l’écart ressemble à une punition, mais elle peut aussi être vue comme une mesure protégeant le prêtre d’un climat crispé qui lui nuit. Il a une chance de poursuivre son ministère dans un contexte apaisé.»Bénir un couple homosexuel «n’est pas un acte banal», fait remarquer François-Xavier Amherdt. «Certes, explique-t-il, ce rite n’est pas comparable avec l’acte de célébrer le sacrement du mariage. Mais il a une dimension provocante dans la mesure où il prend de vitesse l’Eglise universelle. Le prêtre a mis la charrue avant les bœufs. Son geste durcit les fronts plutôt qu’il ne favorise une avancée sur le terrain.»
Bürglen est pourtant le genre de localité rurale où vous ne trouvez pas de bistrot ouvert le lundi. Rencontrée à l’arrêt du car postal, une vieille dame marmonne des propos peu amènes à l’égard des homosexuels. Cela ne l’empêche pas de critiquer la décision de l’évêque de Coire, Vitus Huonder.
«Notre prêtre est apprécié du village. Cela fait plus de 10 ans qu’il officie ici et tout le monde le connaît.»«C’est l’évêché qui a un problème», renchérit un autre habitant emmitouflé. «Elle est vraiment mauvaise, cette décision», répète-t-il en secouant la tête. «Vous croyez que ça va être facile de lui trouver un remplaçant?»Le porte-parole des autorités ecclésiastiques, sises aux Grisons, explique que cette bénédiction – qui contrevient aux prescriptions de la Conférence des évêques suisses – avait «fait du bruit au-delà des frontières et scandalisé beaucoup de croyants».
En discussion à Rome
Un premier synode a eu lieu en 2014 au Vatican à l’initiative du pape. Une consultation des fidèles est en cours et un deuxième synode discutera cette année les évolutions possibles. Il est peu probable que la bénédiction des couples homosexuels soit retenue. La mesure heurte même des réformistes favorables à un accueil bienveillant par l’Eglise des fidèles homosexuels. Il est d’ailleurs frappant comme la bénédiction divise aussi les protestants confrontés au même dilemme.
Avec source : tdg.ch