Suisse : Quand le « mariage homosexuel » s’invite dans le scrutin sur la fiscalité des couples

Les grandes manœuvres ont fait long feu. Au final, chacun a campé sur ses positions, mercredi au Conseil des Etats, lors de l’examen de l’initiative PDC «Non à la pénalisation du mariage». Les sénateurs ont rejeté le texte qui demande la fin de la discrimination fiscale des couples mariés et précise que le mariage est l’union durable d’un homme et d’une femme. Ils lui ont de justesse préféré un contre-projet direct.
Ce dernier évite toute définition. Il se contente de dire que le mariage ne doit plus être pénalisé fiscalement. Les Suisses se prononceront sur les deux propositions en même temps.

Le malaise suscité par l’initiative PDC est resté le même au fil des débats: il touche à la définition du mariage. Le Parti démocrate-chrétien veut l’ancrer dans la Constitution comme l’union d’un homme et d’une femme. Accusé par les milieux homosexuels et les forces progressistes de vouloir fermer la porte au mariage civil pour tous, le PDC a livré un véritable slalom depuis 2012 sur cette question. Filippo Lombardi (PDC/TI) résume la situation: «Ce qui n’était pas un problème l’est devenu au fil des discussions.»

Sa collègue Anne Seydoux-Christe (PDC/JU) a proposé mardi un compromis, soit supprimer la définition du mariage dans le contre-projet mais sans toucher à la vision fiscale de son parti ( lire ci-contre ). Sans succès. Au final, les conservateurs de son parti ont assumé. Jean-René Fournier (PDC/VS):

«Cette définition est conforme à notre législation, à la large majorité des situations vécues dans notre pays, et à la définition donnée dans la Convention européenne des droits de l’homme. Bien sûr, c’est une définition qui plaît beaucoup aux démocrates-chrétiens, mais on ne peut leur reprocher de défendre une définition PDC de la famille.»

Une discussion plus tard

Et «rien n’interdit qu’on mène une discussion sur le mariage tel que vous le visez plus tard», a embrayé Urs Schwaller (PDC/FR) à l’intention de la gauche et du PLR. Peu crédible aux yeux de ses opposants. «C’est un fait, en droit suisse, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. Mais ce n’est pas une obligation constitutionnelle!» a rétorqué Raphaël Comte (PLR/NE). Christian Levrat (PS/FR) dénonce une initiative «excessivement conservatrice».

Sur la question de fond, la fiscalité des couples, les camps sont tout aussi tranchés. Les partis s’accordent à dire qu’il est temps d’éliminer la discrimination – reconnue par le Tribunal fédéral en 1984! – frappant les couples mariés qui paient davantage d’impôts au seul motif qu’ils ont choisi de s’unir. Le PDC compte régler ce problème avec son initiative. Mais comment? Avec l’UDC, il privilégie l’imposition conjointe, en définissant le mariage comme une «communauté économique». Ce terme exclut tout recours à l’imposition individuelle, chère au PLR et à la gauche, qui ont bien pris soin de sabrer cette définition mal aimée dans le contre-projet.

En sous-main se joue là aussi une question de société, explique Géraldine Savary (PS/VD): «Aujourd’hui, pour un couple marié, cela ne vaut pas la peine de travailler au-delà de 150% en regard du fisc. Le modèle qui permet de tenir compte de ce problème et de soutenir le travail des femmes, devenu une priorité suite au 9 février, est l’imposition individuelle.»

Mariage et fiscalité: le mélange promet d’être explosif au moment de passer dans les urnes. Qu’est-ce qui dominera la campagne? Les pronostics sont ouverts. Robert Cramer (Verts/GE) a fait le sien hier en lançant au PDC: «Je vous souhaite bonne chance pour essayer de parler de fiscalité durant la campagne!»

(TDG)