La procédure d’asile est un chemin de croix pour les réfugiés. Surtout s’ils s’exilent à cause de leur homosexualité.
ll ne fait pas toujours bon être homosexuel. Insultes, discrimination ou attaques physiques, quand elle n’est pas latente, l’homophobie est ordinaire. Et sans minimiser ces situations, cela n’est presque rien à côté de ce que peuvent vivre d’autres gays, lesbiennes ou transsexuels sous des latitudes plus hostiles. Avec des persécutions diverses, tortures, emprisonnement et, dans le cas le plus extrême, la peine de mort, la vie déraille dans de nombreux pays du globe: à Cuba, en Russie, en Algérie, en Iran, au Cameroun ou encore au Sénégal. On en passe et pas des meilleurs. La solution pour les personnes LGBT de toutes ces contrées lointaines est de se cacher ad vitam aeternam ou de fuir leur pays pour trouver refuge dans des contrées moins hostiles.
C’est le cas de Lamine. Ce jeune gay sénégalais, est arrivé en France pour demander refuge, raconte le site yagg.com. Menacé en raison de son orientation sexuelle, il a fui son pays pour échapper au pire. Mais un premier refus lui a est jeté à la figure par des fonctionnaires peu compréhensifs voire inaptes à traiter son cas. Finalement, le 27 juillet, la justice l’autorise à commencer les démarches pour obtenir le droit d’asile. Mais rien n’est encore gagné pour lui.
Sur nos monts…
Dans un excès de chauvinisme, la Suisse pourrait se targuer d’avoir une plus grande tradition en matière d’accueil, surtout lorsqu’une vie est en jeu. Mais plutôt qu’un brillant réveil, c’est une bonne gueule de bois qui en attend beaucoup. Car la Suisse n’est pas toujours tendre avec les réfugiés homosexuels. 360° en a d’ailleurs fait l’écho de nombreuses fois. Voici un petit tour d’horizon qui fait grincer des dents.
En 2011, un Camerounais avait demandé l’asile parce qu’il était persécuté en raison de son homosexualité. L’Office des migrations (ODM) a rejeté sa requête car il n’avait pas fait la preuve des mauvais traitements qu’il avait subis. Il y également l’histoire de ce jeune Iranien qui s’est confronté à l’administration locale en 2006. Il a réussi à obtenir un permis F renouvelable tous les 12 mois mais à quel prix? Il s’est vu en effet imposer un traducteur d’origine afghane qui était manifestement homophobe. Comment dans une atmosphère aussi menaçante parler facilement de son homosexualité?
En cas de réponse négative l’administration conseille aux requérants de rester discrets dès leur retour chez eux. Elle affirme aussi que les pays d’où ils viennent n’ont jamais vraiment appliqué des lois homophobes. À croire que les gays et lesbiennes hors Schengen ne sont pas les bienvenus en Helvétie. Mais ces absurdités administratives ne sont le fait que d’une loi lacunaire en matière d’asile. Ne sont considérés comme réfugiés que ceux dont la race, la religion, la nationalité, les appartenances à un groupe social déterminé ou les opinions politiques les exposent à de sérieux préjudices (art. 3, al. 1 LAsi).
Les détails qui tuent
Il n’existe aucune notion explicite de persécution liée au genre ou à l’orientation sexuelle. En revanche, un complément a été ajouté concernant l’attention particulière qu’il faut porter aux motifs spécifiques liés à la fuite des femmes (art. 3, al. 2). Ce court alinéa permet une meilleure réflexion et une meilleure prise en charge des requérantes par l’administration. Elles ont notamment le droit d’être accompagnées dans leur démarche par une autre femme pour que tout se fasse dans de bonnes conditions.
Mais le loup reste tapi derrière le buisson: pas de mention pour les requérants homosexuels dans la loi. Aucun objectif légal clair. On arrive ainsi à des situations délicates où les gays ne sont pas capables de se justifier ou très difficilement dans une ambiance où le malaise et la crainte règnent. «La première audition est cruciale, car c’est là que le motif de demande d’asile est exposé», explique Margaret Ansah de la permanence juridique de l’association 360. «Lorsqu’un requérant fuit son pays en raison de son homosexualité, et qu’il l’a dissimulée pendant longtemps, il aura des difficultés à expliquer ses raisons devant des personnes de l’ODM qui lui sont étrangères», continue l’avocate. Pour elle, il est nécessaire d’avoir un auditeur (celui-là même qui prend la décision sur l’acceptation du dossier ou non) et un traducteur qui soient neutres et non-jugeants.
Même si Margaret Ansah tempère en expliquant que, dans la pratique, ces types de situations sont pris en compte, il reste difficile alors pour les requérants homos d’argumenter et défendre leur cas, surtout lorsqu’on sait que la vraisemblance prime dans les dossiers traités par l’ODM. Un faux pas, une incohérence ou une dissimulation peuvent vite aboutir à un renvoi. À moins d’appliquer la méthode tchèque et diffuser un porno hétérosexuel pour voir s’il y a réaction du sujet se prétendant homosexuel – procédé qui s’est (enfin) arrêté en 2010. Pour le service juridique de 360, «la solution serait de modifier le statut légal des réfugiés, en y ajoutant la persécution liée à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle, et également mieux former les différents acteurs liés à la procédure d’asile.»
La lutte continue
Selon une étude néerlandaise, entre 8000 et 10’000 hommes et femmes LGBTI demandent refuge à l’Europe chaque année. Alors que certains pays européens les comptabilisent, il est difficile encore aujourd’hui de savoir combien ils sont en Suisse. Un document, remis par l’ODM, décompte toutefois depuis 2010 (suite à l’extension de la loi sur l’asile concernant les femmes) le nombre de requêtes concernant les persécutions liées au sexe: environ 1200 demandes annuelles, pour la moitié de renvois. Dans ces chiffres sont compris également les homosexuels, mais sans distinction.
Toutefois, les choses pourraient bien changer. Depuis juin dernier, selon les informations fournies par l’Office des migrations, «un nouveau code a été instauré pour les demandes d’asile ayant trait aux motifs liés au sexe.» Cela signifie que non seulement les LGBTI vont être comptabilisés indépendamment des femmes, mais aussi que les persécutions ayant rapport avec le sexe seront englobées dans les problèmes de genre. Ainsi, une nouvelle forme d’attention sera portée à cette catégorie de requérants, avec les formations nécessaires et toute l’empathie qu’il se doit.
«C’est un bon signal», se réjouit Margaret Ansah. «Les services de la migration prennent en compte que la problématique liée aux personnes LGBT est encore différente de celles liées aux femmes. Elle s’avance même plus loin: «Cette nouvelle pratique ouvre peut-être la voie à une modification de la loi sur l’asile.» Mais cela n’empêche pas, pour le moment et en attendant, les services juridiques des différentes associations LGBT d’aider les étrangers en quête d’asile dans leur démarche quitte à les orienter sur des solutions alternatives s’ils savent que leur dossier ne va pas aboutir. Tout comme le fait Amnesty International, dont la section LGBT, QueerAmnesty, a été créée notamment pour ce genre de situations et qui lutte pour élargir le statut de réfugié aux problèmes liés au genre et à l’orientation sexuelle.
Que fait l’Europe?
En mai de cette année, l’ILGA Europe publiait sa Rainbow Map 2012, attribuant tant de points à chaque pays pour leurs lois envers les LBGT, notamment celles en matière d’asile. Les pays européens dont la loi tient compte des homosexuels sont nombreux: Autriche, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne ou encore l’Islande, parmi tant d’autres. La Suisse n’a pas reçu de point, au vu de sa législation, mais l’ILGA note toutefois une amélioration dans la prise en compte des réfugiés LGBT par l’Office des migrations.
source:http://360.ch/blog/magazine/2012/09/requerants-lgbt-un-placard-ferme/