Des centaines de personnes rassemblées à Taipei ont bruyamment célébré l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui, dans sa décision historique, a estimé ce mercredi que la disposition du code civil affirmant qu’un contrat de mariage ne pouvait être conclu qu’entre un homme et une femme « violait » les principes de la Constitution garantissant la liberté de mariage et l’égalité entre les citoyens.
La haute juridiction a donné deux ans au gouvernement pour rectifier la loi. Si le Parlement ne vote pas dans ce délai les modifications nécessaires, les couples du même sexe pourront néanmoins conclure un mariage, par interprétation de cet arrêt.
« Les dispositions actuelles au chapitre du mariage ne permettent pas à deux personnes du même sexe de conclure une union permanente d’une nature intime et exclusive avec pour but de gérer leur vie ensemble. Cela constitue une lacune législative flagrante », indique la Cour dans un communiqué.
Des centaines de défenseurs du mariage pour tous rassemblés à l’extérieur du Parlement ont hurlé de joie à l’annonce de la décision, certains éclatant en sanglots.
« Je saute de joie comme un oiseau », a confié à l’AFP Chi Chia-wei, 59 ans, qui milite pour le mariage gay depuis 30 ans.
« J’espère que le Parlement en fera une priorité plutôt que de traîner les pieds pendant deux ans de plus. »
Des militants du mariage gay ont déclaré aux manifestants qu’il leur incombait désormais de s’assurer que le gouvernement mette en oeuvre l’arrêt.
« J’espère que la loi sera votée avant la fin de l’année », a déclaré Bubu Chen, qui avait en 2013 célébré une cérémonie de mariage non reconnu avec son partenaire.
L’île nationaliste qui vit séparée de la Chine depuis 1949 figurait déjà parmi les sociétés les plus progressistes de la région concernant les droits des homosexuels. Le Parti démocratique progressiste (PDP) de la présidente Tsai Ing-wen, arrivée au pouvoir en mai 2016 et majoritaire au Parlement, a salué l’arrêt de la Cour dans un communiqué.
Certains redoutent cependant des manœuvres dilatoires des élus hostiles au mariage pour tous, qui ont déjà ralenti l’examen d’un projet de loi amendant le code civil qui avait été voté en première lecture en 2016.
Car l’île compte également une frange très conservatrice qui a organisé de grandes manifestations hostiles à toute évolution législative sur le sujet.
« Le principe d’un mari et d’une épouse n’est pas anticonstitutionnel », a dénoncé Becky Huand. « Le bien être de la majorité ne devrait pas être sacrifié pour faire plaisir à une minorité. »
Une majorité de 10 juges sur les 14 que compte la Cour était nécessaire à cet arrêt. Seuls deux se sont opposés à cette décision.
Cet arrêt résonnera dans toute l’Asie. Les appels à l’égalité des droits se font plus pressants dans la région, en particulier en Corée du Sud et au Japon.
« Il ouvre la voie à de nombreux autres pays dans la région », a estimé Toby Chang, 28 ans. « C’est aussi bon pour Taïwan car cela va attirer beaucoup d’attention et de reconnaissance internationales. »
Dans un communiqué, Amnesty International a exhorté le gouvernement à modifier au plus vite le code civil.
« Comme le montre clairement cet arrêt, tout le monde a légitimement droit, selon la loi, aux mêmes droits et à la même protection. »
Mais, entre l’Europe pionnière en la matière, les Amériques qui lui ont emboîté le pas et des pays d’Afrique ou du Moyen-Orient où l’homosexualité est punie de mort, le fossé est béant.