Témoignage : Aujourd’hui, j’ai vu un anti pour la première fois en vrai !

Aujourd’hui 20h, Paris, métro Arts et Métiers. Je tourne et tourne dans le dédale de couloirs blancs des souterrains parisiens. J’arrive finalement à la station au détour d’un escalier et je le vois passer à quelques pas de moi.
Comme pour bien correspondre à l’idée que je m’en faisais, il est assez vieux, ventripotent, et il a précisément la tête d’un connard obstiné. Est-ce que je pensais vraiment ceci lorsque j’ai vu son visage, ou est-ce que j’ai été directement influencé par son gros sweat bleu foncé où il arborait placidement le contour d’une famille blanche se tenant la main ?
Je me suis arrêté sur place. Oui, la surprise m’a pris. Que pouvais-je faire ? J’avais ma musique dans les oreilles, ma sacoche pendue à l’épaule, je revenais d’une longue marche. Je l’ai fixé. Dévisagé. Je le regardais interloqué comme s’il portait une banderole marquée : « Fier d’avoir tué mes trois ex-femmes ». Car c’était la promotion de la haine, des pensées moyenageuses, et de la bêtise. C’était le symbole d’une foule aigrie, abreuvée d’idées reçues, noyée dans le conservatisme, médiatisée et dirigée par une bande de traîtres et d’hypocrites aux cheveux décolorés (ou aux crânes rasés, c’est selon).
Le type a avancé à pas lourds dans un tunnel, s’est arrêté un moment, a rebroussé chemin, s’est engouffré dans un autre et a disparu. Il s’était outrageusement exposé à ma vue pendant plus de vingt secondes. La stupéfaction provoquée par cet affront m’a totalement paralysé, je l’ai suivi du regard, d’un regard muet et choqué. Quelques secondes passèrent, et je me suis dit que j’aurais dû réagir, que j’aurais dû au moins crier :
« Bouuuuuuuuh ! Ennemi de la République ! »
Rien. Inadmissible. Dégoûtant. Je me suis laissé étonner, je n’ai rien fait, rien dit, c’est donc comme si je l’approuvais. Mes yeux grands ouverts face à son esprit grand fermé. J’ai fulminé plusieurs minutes. Parce qu’il portait un tel sweat, j’aurais pu :
-dans le moins pire des cas, lui adresser une parole fort dédaigneuse, voire méprisante
-dans le plus satisfaisant des cas, lui coller une gifle aller-retour
-dans le plus extrême des cas, le jeter sur la voie et le regarder s’électrocuter en éclatant d’un rire démoniaque.
Hem…
D’habitude, je tente toujours de débattre avec les gens qui ne sont pas de mon avis, aussi infects soient-ils. Là, la rencontre a été trop brutale. Je souhaitais mille souffrances à un homme dont j’ignorais tout. Voyez ce que ces gens ont fait de moi ! Ils me contaminent. Ils me poussent à les haïr, à leur vouloir tout le malheur possible.
Ma mère, qui marchait avec moi, me dit de ne pas trop me mêler (seul) des choses dangereuses car je risque un jour de prendre un coup. Ah, chère maman, j’ai l’impression que tu ne comprends pas la force que peut donner une cause militante. Quand on revendique quelque chose, on se moque des coups qu’on reçoit, des affronts qu’on essuie, des messages de haine déguisée sur les sweats des adversaires. On se bat. On estime sa cause la plus juste du monde. On est prêt à tout. Même à mourir, parfois !
Quel dommage que les ennemis entretiennent la même ardeur vis-à-vis de leur cause à eux. Cela peut devenir une guerre à son niveau, avec ses pourparlers, ses batailles, et surtout ses actes de lâcheté…
Je me battrai alors, je lutterai encore plus fort, et chaque provocation adverse sera une marche sur laquelle je m’appuierai pour m’élever vers la victoire. Peu importe la légalité, peu importe la moralité, je serai bien forcé un jour de les transgresser pour réussir. N’ont-ils pas déjà outrepassé toutes les règles, eux ?
J’assume mes actes. Je suis pour la tolérance, la raison, la liberté, l’égalité, l’entraide. Je suis pour le mariage pour tous en France en 2013.

E. Félix, 19 ans