Témoignage : « David, mis à la rue à cause de son homosexualité »

Il s’installe délicatement, pour ne pas brusquer son corps qui a déjà « trop subi ». David, 21 ans est mince, plein de fragilité. Les épaules rentrées, le nez sur ses chaussures, il parle de « son fardeau » d’une voix fluette. « Jésus avait sa croix, moi j’ai l’homosexualité… ». Le Montpelliérain d’adoption aime les hommes. C’est la raison pour laquelle à 15 ans, sa famille l’a mis dehors. « Je n’ai pas fait de coming out. J’ai toujours su que j’étais gay. Je ne l’ai jamais dit à mes parents. Ils l’ont compris… ». Le jeune homme se souvient de ses 7 ans, d’un cahier dans lequel il collait des photos d’hommes en boxers, des sous-vêtements de sa mère qu’il portait en cachette… « Je me cherchais. Je voulais des réponses que j’ai trouvées ». Depuis, il a perdu sa famille et son toit.

« Dans mon entourage, l’homosexualité se cache. Mon père et ma mère sont catholiques et puritains donc ça ne passe pas… ». David, lui, ne passe pas un jour sans penser à eux. Il n’a pas de nouvelles de ses parents, de ses deux petits frères ni de sa sœur. « Je n’en n’aurai jamais » dit-t-il entre deux bouffées de cigarette. A la fois résigné et plein d’espoir.

Le salut aurait pu venir de sa tante Corinne. Une lesbienne qui mène une double vie pour cacher son orientation sexuelle. Pourtant les 1 000 habitants d’un petit village du Pas-de-Calais savent qu’elle aime les femmes. « Ma mère le sait aussi. Mais Corinne ne l’avouera jamais. Elle me comprend très bien, je pense. Mais, elle n’a pas le courage de me défendre ».

David ne voulait pas de secrets, de cachotteries, de non-dits. « Il fallait que je sois moi. Hors de question de me planquer derrière une façade en carton. Je ne voulais pas me mentir ». Sa volonté d’assumer l’a amené à Montpellier. Il a passé près de 6 mois dans un appartement prêté par l’association le Refuge. « J’ai cherché du travail dans la vente. J’ai fait des petits stages. Mais l’association m’a surtout apporté un certain bien être. Je n’oublierai jamais mon passage ici. C’est une étape dans ma vie. J’ai grandi ! »

Se sentir femme pour pouvoir aimer les hommes

Aujourd’hui, il vagabonde. De ville en ville, de Montpellier, à Dunkerque en passant par Bordeaux, sur un chemin semé d’embûches. « Des fois j’ai honte ». La seconde suivante, il revendique. Son exubérance ? Des cils recourbés avec une couche de mascara et du fard à paupière brillant. « Je pense que j’aurais aimé être une femme. Une femme c’est élégant, c’est fragile, c’est bien habillé, ça sent bon… » David s’est travesti pendant 5 ans. Il a arrêté il y a quelques mois. Il voulait « se sentir femme pour pouvoir aimer les hommes » et être accepté dans une société « très homophobe ». « Je me cachais derrière un déguisement mais ce n’était pas moi. Je ne suis pas transsexuel. Je suis gay et efféminé».

Sa féminité le trahit lorsqu’il marche dans la rue. « Les gens que je croise se doutent que je suis homo ». Les insultes fusent. Les remarques blessantes aussi. « J’avance, mais je m’affaiblis ». Toute la dualité de David est là. Il oscille entre honte et revendication. Optimisme et dépression. « Je suis heureux et fier d’être homosexuel mais ça me bouffe.

Le suicide ? « J’y ai pensé hier »

Les yeux en l’air et la voix basse. Le jeune homme souffre. « Les homosexuels subissent leur homosexualité dans la rue, dans leur famille, avec leurs amis, au travail ». Un poids au quotidien. Combien de temps encore pourra-t-il le supporter ? « Je bois, je prends de la drogue… » Des bêtises sur lesquelles il ne veut pas s’étendre. Il montre son bras, ses veines, sans dire un mot. Il est gêné. « Je me scarifie parfois… ». Un engrenage qui le conduit à envisager Et le suicide ? « J’y ai pensé hier. Je serais peut-être serein dans un repos prolongé. Adieu la souffrance. » Un silence puis David reprend. « Le bonheur existe ». Il sert dans ses mains son collier. Une petite plaque de nacre, tantôt sombre, parfois lumineuse.

Portrait signé Laure Fumas
Publiée par Nicolas Noguier President du refuge.