Julien et Bruno ont toujours eu la foi. Le premier est « né catho dans une famille catho ». Le second a été scout et membre d’aumônerie. Ils le disent eux-mêmes, ils « s’accrochent à l’Église ».
Bruno va moins régulièrement à la messe que Julien. Mais ces Parisiens de 35 et 38 ans, tous deux ingénieurs, considèrent l’Église comme « leur famille ». Une famille dans laquelle ils se cherchent encore une place. D’ailleurs, ils se situent eux-mêmes aux « périphéries », selon la formule désormais consacrée du pape François.
« Au niveau individuel, nous sommes pleinement membres de l’Église », considère Julien, qui a fait partie du groupe de travail sur le Synode dans sa paroisse. « Mais en tant que couple, on ne rentre dans aucune case », complète Bruno.
Alors, il y a trois ans, ils ont créé un groupe avec d’autres couples catholiques de même sexe. « Nous voulions un lieu d’Église où parler sereinement de notre couple », explique Julien. Auparavant, ils avaient essayé de s’intégrer à des cercles plus classiques, groupes paroissiaux, parcours Alpha…
À chaque fois, disent-ils, les deux hommes se sont vu indiquer la porte. « Certains ont refusé de manière blessante, d’autres nous ont dit qu’ils auraient aimé nous accepter mais qu’ils ne voulaient pas choquer, se souvient Julien. Je comprends leurs raisons, je n’aurais pas fait mieux à leur place », ajoute-t-il.
Avec quatre autres couples, Julien et Bruno se retrouvent régulièrement pour réfléchir à la fécondité du couple, dans ses dimensions autres que la procréation. Né en plein débat sur le « mariage pour tous », le groupe a aussi servi de sas de décompression pour ses membres.
« Nous sommes nombreux à avoir souffert durant cette période », regrette Julien. Selon lui, de nombreux catholiques homosexuels ont quitté l’Église à ce moment-là. « Ces débats ont réveillé chez certains couples apaisés de vraies oppositions avec l’Église », ajoute Bruno.
Eux ont décidé de pardonner. « Nous faisons vraiment une expérience très intense du pardon lorsque nous entendons des propos maladroits, souligne Julien. Nous nous obligeons à nous dire : ”il ne sait pas de quoi il parle’’, ‘‘ils n’ont pas voulu être méchants’’… »
Un effort permanent qui use beaucoup de couples homosexuels. Mais pas eux. Parce que la communauté, paroissiale ou ecclésiale, leur est essentielle pour vivre leur foi, et aussi parce qu’ils constatent des évolutions positives sur le terrain.
Trouver une place dans l’Eglise
Au rassemblement annuel du mouvement « Réflexion et Partage » qui rassemble les fidèles concernés par l’homosexualité, ils se réjouissent de voir « des évêques qui nomment des interlocuteurs dédiés, des lignes d’écoutes, des pèlerinages qui se mettent en place… »
Reste la doctrine, que Julien et Bruno n’acceptent pas. « Beaucoup d’évêques et de théologiens n’arrivent même pas à parler de couple homosexuel, déplore Bruno. Ils parlent de ‘‘paire’’ ou de ‘‘duo’’… » Alors que « la fidélité, l’indissolubilité sont clairement des piliers de notre mariage, même s’il n’est que civil », insiste Julien.
Entre révolte et apaisement, Julien et Bruno, qui ont le sentiment d’« évoluer dans une zone grise », n’ont pas encore trouvé leur place dans l’Église. Le premier espère en priorité une évolution du discours officiel, notamment l’expression « intrinsèquement désordonné » pour qualifier l’acte homosexuel. Pour le second, l’urgence est surtout de mieux accueillir.