J’ai écrit cette lettre il y a une semaine. Elle est pour ma mère à la base, mais je n’ose pas lui envoyer pour le moment. Je la poste donc ici. De plus, je sais que je suis loin d’être le seul dans ce cas. Si vous êtes dans le même cas que moi, n’hésitez pas si vous voulez discuter.
Chère maman,
Cela fait un certain temps que je réfléchis à écrire cette lettre. En fait, ça fait presque 5 ans. Ça peut paraître beaucoup pour un simple bout de papier. Mais ce n’est pas si facile que ça. Ce n’est pas une carte postale, loin de là.
J’avais 12 ans quand j’ai découvert cette chose sur moi. Au début, ça m’a effrayé. J’ai pensé à toi quand je m’en suis rendu compte. A ce que tu m’avais dit quelques jours auparavant. Je me souviens très bien de cette scène. On était à table, en train de parler de différents sujets de société. La conversation a porté sur nos nouveaux voisins. Deux hommes qui s’aimaient. Deux homosexuels. Enfin, toi, tu disais « deux PD ». Tu nous expliquais, à ma sœur et moi, qu’il fallait éviter de s’en approcher, parce que ces deux-là étaient malades, ils étaient contre-nature. Tu disais qu’ils ne connaissaient pas Dieu. Tu t’indignais de savoir qu’ils espéraient se marier, un jour. Tu disais que toi, tu n’espérais pas qu’on puisse un jour leur accorder ce droit. Ce jour-là, je t’écoutais, j’étais d’accord avec toi. Depuis tout petit tu avais tenu des propos homophobes devant moi. Je prenais tout ce que tu disais pour vrai.
J’avais tort de t’écouter.
Jusqu’à mes 12 ans donc, je ne m’étais jamais posé de questions sur la sexualité, l’amour, et toutes ces choses-là qui n’intéressent pas vraiment les enfants. C’est lors de mon année de 5ème que je me suis rendu compte que j’étais le seul de ma bande d’amis à ne pas essayer de draguer la belle blonde aux yeux bleus de ma classe. Je ne m’en suis pas vraiment inquiété, au départ. Mais je grandissait, et me disait qu’il me « fallait une meuf » pour montrer que je « suis un BG » comme disait mes amis. Seulement voilà, aucune ne m’intéressait. En revanche… dans ma classe, il y avait un garçon qui venait des Etats-Unis. C’était un grand brun avec des yeux marrons. Et je me suis rendu compte que, quand je le voyais, mon cœur se mettait à battre. Oui maman, j’étais attiré par un garçon. Tu l’as sûrement deviné; ce jour-là, je me suis rendu compte que j’étais gay.
J’ai eu très peur. Je me suis trouvé anormal. Je me suis cru atteint d’une maladie grave, incurable, comme tu me l’avais dit. J’ai trouvé réconfort auprès de ma meilleure amie (oui, tu sais, celle sur qui tu disait qu’on allait finir ensemble). Elle, ses parents n’étaient pas comme toi, ils n’étaient pas homophobes. Elle a été élevé dans le respect de l’autre, et elle m’a expliqué que j’étais loin d’être malade, que je n’était pas contre-nature. Que c’était justement la nature qui m’avait dicté de préférer les hommes aux femmes. Je n’y peut rien, maman, je suis comme ça.
Voilà, c’est ce que j’avais à te dire. Ça fait 5 ans que je te cache mon homosexualité. Je ne sais pas comment tu vas réagir. Tu m’avais dit qu’un jour, si tu avais un enfant homo, tu voudrais le « raisonner ». Mais la raison n’a rien à voir dans tout ça. Je suis comme ça, c’est tout. Personne ne peut le changer, pas même moi.
Si je t’écris, c’est aussi parce que j’ai été poussé par mes amis, et notamment un en particulier. Tu ne le connais pas, je ne suis pas sûr que tu ais très envie de le rencontrer. Tant pis, lui non plus.
Je t’aime, maman, tu sais. Mais le fait que tu sois homophobe est dérangeant pour moi. J’aimerais que tu changes, que tu comprennes. Je sais que tu es très croyante, mais je pense aussi que s’il y a un Dieu, il est d’accord ou il n’aurait jamais autorisé ce caractère dans mon code génétique.
Signé ton fils homo.
Joelle à l’écoute des Jeunes LGBT
Vous pouvez lui répondre : http://www.twitlonger.com/show/n_1rpptmu