« Faut-il conclure que parce qu’on est homosexuel, on est un déviant sexuel dont les pratiques intimes sont condamnables et qu’on doit les exclure des dons de sang ? »
Le combat de mon fils et des dizaines d’autres enfants que j’ai accompagnés dans leur combat contre le cancer m’a fait réaliser à quel point le don de sang et de plaquettes est d’une importance capitale pour leur survie. Il suffit de déambuler dans les corridors des hôpitaux pour constater l’ampleur des besoins en transfusions de toutes sortes.
Les campagnes médiatiques qui encouragent notamment au Canada les dons de sang sont gigantesques, bien faites, respectueuses, touchantes… « Donner son sang, c’est sauver des vies ». C’est le devoir de tous, c’est une fierté aussi.
Mais si c’est la responsabilité et la fierté de tous, pouvez-vous m’expliquer pourquoi, encore aujourd’hui en 2015, les homosexuels sont refusés systématiquement s’ils ont eu des relations sexuelles au cours des cinq dernières années ?
Cinq ans, c’est long ! Ailleurs dans le monde, en Europe et aux États-Unis entre autres, on débat actuellement de la pertinence de ramener cette exclusion à une année, mais ici on n’en est pas encore là. Une année, c’est encore trop selon moi !
On invoque les risques plus élevés de certaines maladies transmissibles par le sang, comme le VIH, comme argument principal de cette discrimination. Parce que c’est une discrimination. Pendant que tous montent aux barricades pour dénoncer la moindre injustice faite au nom du sexe, de la religion et de l’orientation sexuelle, de cette discrimination particulière, personne ne parle, ne s’indigne, ne dénonce.
Est-ce une simple méconnaissance de cette disposition des règlements d’Héma-Québec parmi la population générale qui est à l’origine de ce silence ? Une sorte de résignation chez les homosexuels, qui ont connu bien pire comme stigmatisation dans le passé ? Est-ce considéré comme un détail mineur parce qu’il touche un groupe qui s’est habitué au rejet et à l’exclusion ? Pourtant, les homosexuels ont maintenant le droit de se marier, d’adopter ou même d’avoir recours à une mère porteuse, le droit d’avoir les mêmes droits et privilèges que le reste de la population, parce qu’ils font partie de cette population.
Faut-il conclure que parce qu’on est gay, on est un déviant sexuel dont les pratiques intimes sont condamnables et qu’on doit, par conséquent, les exclure des dons de sang ? Franchement, vous les trouvez vraiment plus à risque de transmettre une maladie que les hétérosexuels ? C’est vrai que les hétéros sont tellement purs et vertueux ! Jamais ils ne trompent leur conjoint, jamais ils ne mentent sur les risques qu’ils encourent, jamais ils ne fréquentent les endroits où le sexe se monnaie, jamais ils n’auraient de pratiques sexuelles aussi déviantes que les homosexuels !
Le plus drôle dans cette hypocrisie, c’est que pour savoir que vous êtes un homosexuel qui a eu des relations intimes au cours des cinq dernières années, Héma-Québec vous fait remplir un questionnaire. Un homosexuel menteur pourrait donner du sang, tout comme un hétérosexuel menteur peut le faire. C’est l’honnêteté des homosexuels qui les exclut des dons de sang. Faut le faire !
Personnellement, avec ce que j’entends, je ferais 100 % plus confiance à mes amis gais pour donner du sang à mes enfants qu’à la plupart de mes amis hétéros.
On ne peut être anti-homophobie seulement quand cela nous tente ; sommes-nous égaux, oui ou non ? On n’a pas les moyens de refuser les dons de sang.
Que chaque donateur passe par le même processus de contrôle, peu importe avec qui il baise, mais de grâce, cessons de justifier le rejet des gais sous prétexte qu’ils sont plus à risque qu’un autre groupe de la population. C’est juste se fermer les yeux et être intellectuellement malhonnête !
Par Francine Laplante
Femme d’affaires, présidente de la Fondation des gouverneurs de l’espoir, Laval