Les parents de Florent, 31 ans, ont divorcé il y a 10 ans. Le jeune homme était déjà parti de la maison pour étudier à Lille. « Quand je rentrais chez moi », dit-il, « je sentais bien que leur relation n’était pas au beau fixe. Ils se parlaient de moins en moins, mon père dormait souvent dans le bureau, pour ne pas ‘réveiller » ma mère… J’avais conscience que cela n’allait pas très bien entre-eux, mais je ne m’en préoccupais pas plus que ça, sûrement à cause d’une forme d’égoïsme propre à l’âge. »
Mais un jour, ses parents ont organisé une discussion familiale. « La demande n’était pas anodine », explique Florent dans un témoignage sur l’Express.fr. « J’ai rongé mon frein toute la semaine. Le jour J, réunis dans le salon, la tension était palpable. Étrangement, quand ils nous ont dit qu’ils allaient divorcer, elle est retombée d’un coup. »
« Je me suis dit : ‘Enfin, c’est fait !’ Dans les semaines qui ont suivi, j’ai été triste, nostalgique du couple que mes parents avaient formé. En même temps, j’étais très fier d’eux, de leur courage, admiratif de leur capacité à réinventer leur vie sentimentale à 50 ans. Ils n’avaient pas cédé à la facilité de rester ensemble pour les conventions ou pour donner l’image du couple idéal tout en se trompant à tour de bras. »
Quelques semaines plus tard, son père a quitté la maison pour s’installer dans un appartement plus proche de son travail. « Il entretenait toujours des relations cordiales avec ma mère. Jamais ils ne se sont disputés pour la maison ou pour des questions financières. » Avec sa grande-sœur, ils étaient désormais « adultes » et « cela évacuait les questions de garde et de vacances », convient-il. « Nous pouvions voir nos deux parents sans que cela provoque la colère ou la déception de l’autre. »
Mais, « certains indices m’ont laissé penser que mon père avait quelqu’un dans sa vie. Il était beaucoup moins disponible, partait en vacances avec de nouveaux amis », sans s’épancher davantage, alors qu’il était jusque-là, plutôt « prompt » à poster des photos sur Facebook. « Je me disais qu’il devait être gêné de me dire qu’il avait déjà retrouvé une nouvelle compagne. »
Toutefois, ajoute-t-il, « si l’annonce du divorce ne m’avait pas plus atteint que cela, cette atmosphère de secret, cette impression de ne pas être digne des confidences de mon père alors que nous avions toujours été proches me blessait. »
Il a donc fini par lui en parler. Mais, pris de cours, son père n’a pu que balbutier un « oui » : « il voyait bien quelqu’un depuis plusieurs mois. Et, quand je lui ai demandé le nom de sa nouvelle compagne, il a lancé : ‘Sylvie’. Je l’ai cru mais sa gêne m’a poussé à couper court à la conversation, pour ne pas le mettre dans l’embarras », se souvient Florent.
Quelques jours plus tard, profitant d’un déplacement qu’il faisait à Lille, son père est revenu vers lui pour finalement avouer qu’il n’y avait pas de Sylvie mais « il y a Marc ». « Il n’avait pas osé en parler plus tôt », par crainte de la « réaction, déception ou colère » de son fils.
« Sur le coup, je n’ai même pas compris. Je me suis repris et ai lancé : ‘D’accord, je suis content pour toi’ d’une voix blanche. Je voulais très vite lui faire comprendre que ce n’était pas grave, que je l’acceptais. Les questions viendraient plus tard. Le lendemain, je l’ai rappelé. J’avais besoin de discuter. Nous avons fait une longue promenade dans la ville. Il m’a tout expliqué, son attirance longtemps refoulée pour les hommes, la peur d’être rejeté, l’amour qu’il avait eu pour ma mère, le bonheur de nous avoir ma soeur et moi, tout était vrai, mais avec le temps, il se sentait de plus en plus en décalage. La vie de famille qu’il avait construite ne lui correspondait plus. Il était malheureux », confie Florent.
Et puis, il a rencontré un homme lors d’un déplacement professionnel et a commencé à avoir une double vie. C’était il y a plusieurs années. « Il l’a dit à ma mère », mais ses « confidences me faisaient penser à ces années de souffrance qu’elle avait endurées seule, en silence », regrette le jeune homme. « C’est la seule chose pour laquelle j’en veux encore à mon père. Je pensais que dans notre famille ouverte, nous étions au dessus de ça, de ces secrets qui brisent… »
Il en a aussi parlé avec sa mère, soulagée que mon père ait mis fin à cette « omerta ».
« Depuis que nous savons, ma soeur et moi, une chape de plomb a sauté. Je sens que mon père a été libéré d’un grand poids. Nous avons rencontré le fameux Marc, qui est très sympa. Je ne dirais pas pour autant qu’accepter que son père soit gay est facile… L’annonce de l’homosexualité oblige a se représenter la sexualité de son parent, cela devient une question centrale alors que c’est une problématique qui relève de l’intime. Il faut pouvoir le supporter. »
Florent en a également parlé à ses amis. « Je ne voulais pas perpétuer encore une fois la culture du secret », dit-il, avec « l’idée sous-jacente qu’il y aurait quelque chose à cacher. Mon père est gay, ni plus ni moins. Cela a suscité quelques questions mais très vite les gens se sont faits à l’idée. Pour moi, c’est signe que la société avance. »
Le père de Florent a depuis emménagé avec son compagnon, « qui s’entend d’ailleurs très bien avec ma mère », souligne Florent. « Nous avons même projeté de partir tous ensemble l’été prochain pour quelques jours en Bretagne. C’est mon père qui l’a proposé. Je crois qu’après toutes ces années, il est heureux de pouvoir enfin réunir ceux qu’il aime autour de lui. »