Il y a quelques mois circulait cette fameuse image de deux hommes en « jockstrap » tout cuir, et fesses à l’air, exploitée à mauvais escient par ces groupuscules d’intolérance, avec en tête « CIVITAS » qui les distribuait à tout va, avec argumentations slogans infâmes. « Les homos, ces malades mentaux, sodomites, indignes sinon d’être enfermés à vie ». Que de paroles dures ! La photo aura fait son effet, les associations ont d’ailleurs rapidement réagi, mais pour les plus à vifs, il n’en fallait pas plus !
Alors, la Gay Pride, cette « foire » aux monstres !?
Déjà, faire une généralité et considérer comme vitrine de toute une population par exemple, deux adultes « consentants » qui un après-midi auront eu l’audace coquine de s’affranchir de toutes contraintes pour « marcher », normalement sans discrimination, dans un cortège d’humour et de fantaisies, est relativement sournois, et representatif d’esprits réduits et manipulateurs.
Sorti d’un contexte, tout devient une preuve. Mais lorsque dans les propres rangs de toutes celles et ceux qui manifestent pour l’égalité et qui côtoient toute la diversité des minorités, on s’aperçoit également que depuis l’instauration de la loi, certains préjugent désormais de l’utilité de « La marche », parlent de réformes, ou pensent qu’elle contribue plus que jamais à perpétuer une mauvaise image, il est nécessaire de nous souvenir que c’est justement l’intention essentielle : » être ce que nous sommes quoi qu’ils en disent » !
Trop de chairs exposés, trop d’extravagances… et pourquoi pas trop de musique, ou trop de gens, ou pourquoi pas un « filtre » pour mieux décider de qui aurait le droit ou pas de parler de fiertés?
« Je n’avais jamais eu l’opportunité en vérité de côtoyer autant de gens différents » me dit Thomas qui participe pour la première fois. Il a 18 ans, et il découvre également les combats de chacun pour cette survivance contre l’intolérance. D’associations, en personnages caricaturés, il me raconte que tout est merveilleux, et qu’il n’aurait jamais pensé qu’on pouvait être « libres ».
On passe soudainement devant un véhicule où un jeune homme en « jockstrap » là encore, se joue de la population, mime des situations provocantes mais « amusantes », et cette fois-ci, ce sont toutes nos amies « hétéro » qui accourent pour filmer le « malicieux ». Tout le monde est joyeux et personne n’y a consenti aucune maladresse. On l’espérait même. Caroline, avocate relativement récalcitrante jusque là, me dit alors « Les LGBT vous êtes trop fun, c’est trop bien… » Je lui réponds : « Les LGBT? » Elle aura même assimilé ce mot. Mais, je lui demande : « …trop fun, c’est à dire? »
Caroline qui a pourtant une vie familiale stable, mère de trois enfants, un mari qu’elle tolère, plaisante-t-elle, me dit : « …j’aime beaucoup les costumes, les gens… il y a vraiment tout le monde, j’ai vu des parents, un père qui avait une pancarte parce qu’il s’entend mieux avec le copain de son fils que le mari de sa fille, c’est rigolo, j’ai pris des photos ».
Et puis soudain, c’est l’appel aux trois minutes en mémoire aux disparus du SIDA.
Kiss et sa copine font le signe en levant les mains, et je me retourne un peu pour filmer, et je m’aperçois que ce sont les plus jeunes qui incitent au silence. Thomas est en pleure, il y’a quelques mois il a eu une première expérience sans protection qui l’a ensuite traumatisée. Au moins, il aura saisi qu’il vaut mieux rester couvert.
Anne est tout aussi émue de cet élan qu’elle n’aurait pas imaginé : « C’est un des combats. Il est évident que cette gaypride est nécessaire. Il reste encore trop de choses à changer, trop de gens qui souffrent de partout. Et si nous l’avons eu, les autres aussi doivent pouvoir accéder à plus de droits. »
Gays, bi, lesbiennes, hétéros, trans, etc. La grande majorité en véritable communion. Comme si, peu importe, sous le sigle de l’arc-en-ciel, nous avons les mêmes espoirs. Un jour, ici, ailleurs, maintenant…
On termine la course sur la Bastille. Une dame de plus de 70 ans s’approche toute souriante avec des pins et des flyers, pour nous en donner, et regarde Thomas un peu dubitatif et lui rétorque : « Et bien mon grand, faut t’en remettre. J’ai fait mon temps mais je tiens le coup. 53 ans de vie avec ma femme. Je l’appelle comme ça mais en notre temps, c’était pas possible. Et j’en ai avalé de la connerie, alors tu vas pas me faire la gueule parce que je suis vieille? » Thomas est un peu gêné, et la dame éclate de rire : « si tu veux tu peux m’inviter à danser… » Et puis, elle nous donne des préservatifs, et ajoute : « une seule chose les enfants, aimez vous, mais pas pour quelques minutes de plaisir. Si vous voulez pas rester seuls, faut se satisfaire de l’amour qu’on vous donne, restez fidèles, pas faire souffrir et rendre l’amour. C’est un partage. Compris? » Et elle repart dans sa tournée, un parapluie de toutes les couleurs dans les cheveux en chantant qu’il en fait peu pour être heureux. Tout ça c’était la Gay Pride, et nous étions tous très beaux.
Voilà pourquoi, je suis très fier d’avoir participé à la marche des fiertés, où j’ai pu rencontrer des personnes que je n’aurais jamais pu envisager de connaître et qui m’auront permis de comprendre à quel point nous sommes fragiles et que peu importe nos apparences, nous avons tous besoin de sourire, de pouvoir un jour au moins paraître et nous montrer. Je n’ai pas trouvé d’amoureux, et pourtant je cherche sans rien presser. Mais j’ai passé un super moment, alors merci à vous tous, qui êtes cette « marche » et merci aux associations qui continuent pour que nous soyons tous visibles peu importe nos différences.
Merci à mes copines Cloé, Kiss, Clem de stophomophobie qui sont restés avec nous, à Terry pour toute sa gentillesse, ses efforts et m’avoir aidé à faire mon mémo, malgré sa discrétion (garde ton humour et ta vocation tu es un mec super). A Joelle pour sa bonne humeur et toute son empathie.
Merci à vous tous, pour être et rester tel que vous êtes avec vos folies et fantaisies, vos défauts et toutes vos qualités, parce que vous m’avez donné du courage.
Fabien Wagneur