Le Conseil national de l’Ordre des médecins de Tunisie a publié ce lundi 3 avril un communiqué appelant les légistes réquisitionnés par la justice dans le cadre d’une expertise pour déterminer le comportement sexuel d’une personne, et notamment si elle est privée de liberté, « à respecter sa dignité et ce conformément à l’article 23 de la constitution et aux articles 7 et 74 du code de déontologie médicale (CDM). »
Selon le code pénal, hérité du protectorat français en 1913, la sodomie entre adultes consentants est passible dans le pays de trois ans de prison et les médecins souvent chargés d’en attester la réalité du délit.
En tant que garant du respect de la déontologie médicale, l’Ordre condamne ainsi fermement ces examens médicaux non justifiés et/ou touchant à la dignité et à l’intégrité physique, estimant que « le médecin qui agit comme auxiliaire de la justice, donne, en son âme et conscience, un avis technique consultatif pour éclairer la justice. Et sans être un agent exécutant du pouvoir public ou un substitut au juge, le médecin devra à tout instant garder à l’esprit le respect de la loi et de ses devoirs déontologiques, en informant « les personnes qu’ils ont à examiner de leur droit de refuser un tel examen ».
Human Rights Watch a salué ce mercredi 12, une prise de position « courageuse » mais toutefois « insuffisante », le consentement ne pouvant jamais, dans le contexte des arrestations, être « libre et éclairé » : « Sous la pression, les victimes cèdent, persuadées d’être disculpées ou craignant qu’un refus ne détériore encore davantage leur situation.
Shams, qui milite pour la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie, appelle pour sa part le Conseil de l’Ordre à « aller encore plus loin » en prononçant des « sanctions disciplinaires contre les médecins qui acceptent de pratiquer les tests anaux ». « Cela permettra de passer vraiment de la théorie à la pratique », souligne sur Le-Monde son porte-parole, Bouhdid Belhedi.
« Le problème est réel », insiste encore Amna Guellali, directrice du bureau de Tunis de HRW. « Ces médecins légistes estiment être passibles de poursuites s’ils n’exécutent pas les réquisitions judiciaires. Le communiqué du conseil de l’ordre ne leur permet pas de se couvrir au plan pénal s’ils refusent une réquisition. »
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Tant que l’article 230 figurera dans le code pénal, ces pratiques abusives et arbitraires perdureront. La solution pourrait consister à ce que « le ministère de la justice édicte des directives ou des instructions considérant que le test anal ne doit plus être utilisé comme un moyen de preuve », ajoute Amna. « Les ministères de l’intérieur et de la santé pourraient en outre transmettre ce type d’instructions aux policiers et aux médecins. A défaut d’une implication de ces administrations, la seule position éthique du conseil de l’ordre ne suffira pas à décourager les tests anaux. »
Christophe Devillemarie
stophomophobie.com