Aujourd’hui, 11% des homosexuels et 33% des lesbiennes en Australie sont « parents ». Et tandis que les chiffres montrent de plus en plus de tolérance à l’égard du mariage pour les personnes de même sexe, l’Australie reste le seul pays anglophone au monde à ne pas l’avoir légalisé.
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Les réalisatrices Maya Newell (elle-même élevée par deux mamans) et Charlotte Mars se sont aperçues qu’une voix n’était pas entendue dans ce débat sans fin : celle des enfants. Pendant plusieurs années, elles ont suivi la vie de quatre enfants et de leurs parents de même sexe. Le documentaire Gayby Baby voyait le jour.
Après s’être rendus à l’avant-première du film, l’artiste Casey Legler et le photographe Jez Smith – en collaboration avec la team de Gayby Baby – ont lancé GAYBIES : We Are Not a Hypothetical. Cette série réunit des portraits d’enfants – dont plusieurs apparaissent dans le film – élevés par des parents homos.
Gayby Baby sortait la semaine dernière en Australie – et c’est peu dire que le film a fait couler beaucoup d’encre. Selon le Daily Telegraph – tabloïd local très conservateur – les parents se seraient plaints, redoutant que le documentaire soit diffusé dans les écoles. Très réactif, The Guardian a vite décelé l’intox. Trop tard pour le Ministère de l’Éducation australien qui a interdit la projection du film pendant les heures de classe.
La série de Legler et Smith ne pouvait pas mieux tomber. La presse australienne leur a rabâché que leurs familles n’étaient pas « normales ». Ebony, Gus et Matt, trois enfants présents dans le documentaire, ont pris la parole. Voici leurs témoignages.
Je suis fière d’annoncer que mon couple d’amies et leur bébé (la petite Jamie) sont aussi dans la série de photos. Donnez-lui un peu de temps, je suis sûr que Jamie aura plein de choses à raconter sur ses mamans.
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>> Ebony, 16 ans : « Les gens font des suppositions, brandissent des chiffres et des statistiques et disent toutes ces choses sur vous mais au fond, personne ne vous connaît mieux que votre famille. Et c’est tout ce qui importe. »
Je suis dans le film Gayby Baby. J’avais 12 ans quand on a commencé à tourner. Aujourd’hui, j’en ai 16. Mon petit frère a 5 ans, Seth 12 – ça y est ! Il va me rattraper ! Et Makaya vient de fêter ses 8 semaines. Ang a 40 ans, ma mère 36. J’entends souvent l’expression « cause gay » comme si les parents homos n’avaient pas les mêmes causes à défendre que les parents hétéros. La seule cause que mes parents défendent, c’est notre bonheur et notre bien-être. Leur seule préoccupation c’est de mettre Makaya au lit, de vérifier qu’on a bien fait nos devoirs, de nous interroger…et de s’apercevoir qu’on n’a pas du tout révisé sérieusement. Je doute que ce film soit uniquement un programme gay. C’est un film qui parle de nous et qui nous voit évoluer. Tout simplement.
>> Seth, 12 ans : « Peu importe ce que les gens disent, ne les laisse pas t’atteindre. Sois-en fier. Si quelqu’un te dit que ta famille est bizarre, laisse faire. Passe à autre chose. »
J’ai deux mamans. J’ai aussi ma soeur Ebony, mon petit frère Ash et mon tout petit frère Makaya. J’ai découvert que famille était différente au CP. À mon école, on pouvait se faire dispenser de catéchisme – il suffisait d’envoyer un mail au directeur – mais mes parents n’étaient pas au courant. Sans vraiment savoir ce que c’était, je me suis donc retrouvé dans cette classe. Au bout de quelques semaines, mon professeur a dit : « Si vous avez des parents de même sexe ou que vous êtes gays, alors vous vivez dans le péché. » Ça m’a fait l’effet d’un électrochoc. Je suis rentré à la maison, ma mère a discuté avec le directeur et Ang m’a acheté un énorme pot de glace au chocolat. Ouais, c’est là que j’ai su que ma famille était différente. Mais ça m’est un peu égal en fait. Ma famille est géniale. Je préfère qu’elle soit différente et joyeuse plutôt que banale et pas drôle.
>> Jesse, 23 ans : « Personne ne doit subir l’injustice ou la discrimination. Personne ne doit se cacher. Sois toi-même et sois en fier. »
Ma famille se compose de mes deux mamans, – Louise et Margaret – de mon frère Raj et de mon papa, Paul. J’aime ma famille parce qu’elle est unique, mais fondamentalement, c’est la même que toutes les autres. Si Gayby Baby était sorti lorsque j’étais encore à l’école, je n’aurais pas eu à mentir ni à inventer des histoires sur ma famille. Je n’aurais pas eu à cacher cette autre femme qui est aussi ma mère pour moi. J’aurais dû jouer la carte de l’honnêteté dès le départ. Personne ne doit subir la discrimination – c’est pourquoi il faut rester fier de ce que l’on est et de ce que l’on a.
>> Gus, 14 ans : « Essayez une seconde de ne pas écouter les politiques blancs et riches. Aime ta famille. Ne sois pas fâché contre eux. Parce que contrairement à ce que pensent les autres – on ne choisit pas sa famille »
Mes parents s’appellent Jen et Jamie ; et j’ai une petite soeur, Rory. Ce que j’aime dans ma famille, c’est qu’on s’aime tous énormément. Et puis on se marre bien. Quand je me suis levé mercredi dernier, mes parents étaient contrariés par toute cette controverse autour du film. Mais bon, j’étais content de faire la couverture du Daily Telegraph!
>> Vivienne, 10 ans : « Bats-toi pour tes convictions, ne laisse personne se mettre en travers de ta route. »
J’ai trois mamans – Fiona, Jam et Gina – et un frère. Il s’appelle Bruno et il est très énervant. J’ai deux chats : le premier s’appelle Jasper et le deuxième Flash, qui a plein de puces. J’aime mes mamans parce qu’elles sont toutes différentes.
La première est sévère, c’est une forgeronne. Une autre travaille pour une association qui défend le droit des femmes. Et la troisième est écrivain. Parfois, à l’école, les gens disent de quelque chose que « c’est trop gay » ou traitent certains enfants de gays. J’essaie de les arrêter mais ils n’en ont rien à faire. L’autre jour, un de mes amis les plus proches a dit : « C’est trop gay » et je lui ai fait savoir que c’était vraiment, vraiment pas cool.
>> Rory, 8 ans : » On est tous pareils, parce que toutes les familles ont leurs différences. »
Ma famille est comme les autres. Il y a du bon et du moins bon. J’étais à moitié heureuse pour mon frère Gus lorsqu’il a fait la couverture du journal. Mais j’étais aussi un peu triste parce que les journalistes étaient méchants avec les familles gays et lesbiennes. Ceux qui ne sont pas d’accord n’ont pas vu le film. S’ils avaient regardé Gayby Baby, ils comprendraient qu’on est tous pareils, parce que toutes les familles ont leurs différences.
>> Brenna, 19 ans : « Je veux que tous les enfants issus de familles homoparentales sachent qu’ils ont en eux, et plus que certains adultes, les notions de diversité, de solidarité et d’amour. »
Quand j’avais 8 ans, mes parents et moi avons participé à une émission de télé qui s’appelle Play School. Des parents se sont plaints, je m’y suis faite. Même si c’était horrible de donner un temps de parole aux personnes homophobes au moins, on a pu voir qu’il y avait aussi beaucoup de gens qui soutenaient les familles gays et lesbiennes. En regardant Gayby Baby, j’ai vu ma famille à l’écran pour la première fois. Et j’en suis très fière.
>> Dylan, 13 ans et Matt, 16 ans
Dylan : J’ai deux mamans, un papa, une belle-maman bientôt, un frère et une demi-soeur. Mes deux mères se sont mariées en Nouvelle-Zélande et sont ensuite retournées en Australie pour fêter tout ça. C’était super. Mon frère et moi avons fait des discours et dansé. Pour les autres enfants dans mon cas, je voudrais juste leur dire que vous êtes comme tout le monde et peut-être même plus heureux. Donc soyez fiers de ce que vous êtes.
Matt : Mes deux mamans voulaient se marier en Australie mais c’est illégal. Elles voulaient attendre jusqu’à ce que la loi passe mais comme ça n’avançait pas très vite, elles sont allées en Nouvelle-Zélande. C’était pas le top, parce qu’aucun de leurs amis ne pouvait être là pour elles. Mais la fête pour leur mariage était géniale. Les gens disent que Gayby Baby est un film politique et qu’il ne devrait pas être montré dans les écoles. Mais il montre juste des enfants comme moi qui ont des parents gays et qui sont bien dans leurs pompes.
>> Sunnai, 16 ans : « Sache que tu es différent. Et que personne ne veut être normal. La normalité, c’est chiant. »
J’ai deux mamans, un père et une autre maman qui vit à Melbourne. J’ai participé à tous les Mardi Gras gays et lesbiens de Sydney depuis ma naissance. À 4 ans, le thème du carnaval était Le Magicien d’Oz. Maman, Lil et moi nous sommes déguisées et peintes en argenté. C’était un des plus beaux jours de ma vie. Mon conseil aux plus jeunes ? Sache que tu es différent. Et que personne ne veut être normal. La normalité, c’est chiant.