Théorie du genre : le boycott fait un flop

Les parents étaient de nouveau appelés à ne pas envoyer leurs enfants à l’école, lundi. Ils paraissent, cette fois, avoir largement ignoré le mot d’ordre.

« Tous mobilisés pour sauver nos enfants d’une théorie du genre mensongère et traumatisante ! » « Vaincre ou mourir ! » Les slogans mi-anxiogènes, mi-belliqueux ont-ils fait leur temps ? En lançant une seconde journée nationale de « retrait de l’école » deux semaines tout juste après la première, Farida Belghoul espérait, sans doute, battre un fer encore chaud. Or, si en fin de journée le ministère de l’Éducation nationale ne disposait pas encore de chiffres précis, la JRE de lundi semble avoir été peu suivie.

À l’école Alfred Binet de Meaux, qui a connu le 27 janvier jusqu’à 40 % d’absentéisme, rien à signaler. « Les seuls absents sont les enfants malades », assure la directrice adjointe de l’école. Pas de « théorie du genre » dans les mots d’excuse, pas plus que de « réunion solennelle de famille » – le motif conseillé, dans leur SMS aux parents, par les organisateurs du mouvement. « Il y a quinze jours, le directeur a écrit un mot aux parents qui avaient choisi de participer pour les rassurer, leur expliquer le principe des ABCD de l’égalité et leur proposer d’en discuter individuellement avec lui », précise-t-elle.

Ce travail d’apaisement, largement mené par les enseignants du primaire et le ministère de l’Éducation nationale, pourrait avoir porté ses fruits ce lundi. « Nous n’avons eu aucun écho, il semble que cela n’a pas eu autant d’impact », confirme Paul Raoult, président de la FCPE, la principale fédération de parents d’élèves. « C’est logique, poursuit-il. La première fois il y a eu un effet de surprise, certains parents ont pu se laisser berner. Ceux qui retirent aujourd’hui leurs enfants sont, je crois, de vrais membres du mouvement. » Paul Raoult dit cependant remarquer une inquiétude persistante chez certaines familles, qui ne souhaitent pas être associées aux extrémismes et refusent le boycott, mais s’interrogent néanmoins sur les contenus des enseignements. « On ne peut pas ne pas prendre cela en compte, estime-t-il. Il faut un vrai dialogue, individuel. »

Des enfants troublés

De fait, la mobilisation du 27 janvier avait été éparse mais impressionnante : une centaine d’écoles sur 48 000, jusqu’à 50 % d’élèves concernés. « Il y a eu cinq absents dans ma classe la première fois, une dizaine chez d’autres collègues », témoigne un instituteur d’une école de Seine-Saint-Denis. « Un seul, Marwan, avait le lendemain un justificatif clair. Il m’a dit, un peu gêné, que sa mère avait essayé de lui expliquer de quoi il retournait mais qu’il n’avait rien compris. »

Le hasard est taquin. La leçon de ce jour-là, prévue de longue date, est bien consacrée au genre… mais il s’agit de grammaire et du genre du nom. « Les élèves ont au tableau une série d’étiquettes et doivent trouver un principe de classement, explique l’enseignant. Comme je suis un peu taquin, et que l’égalité des sexes m’importe, je veille toujours à ce que les représentations véhiculées par les exercices proposés soient équilibrées. Du coup, la liste est la suivante : boxeuse, coiffeur, caissier, directrice, ouvrière, mécanicienne, serveur, acteur. Et puis mon regard se porte sur Marwan. Il est angoissé comme jamais, son cahier est complètement raturé, et, nerveusement, il a classé tous les métiers de fille ensemble, en changeant pour faire bonne mesure le boxeuse en boxeur… Il a fallu le calmer, lui expliquer que ce n’était que de l’orthographe. » Le 10 février, cependant, Marwan était en classe – comme tous les autres.

Par Marion Cocquet
lepoint.fr