«Tomboy» : #Civitas appelle à harceler #Arte

Le film, qui raconte l’histoire d’une petite fille se faisant passer pour un garçon, doit être diffusé mercredi sur la chaîne franco-allemande.

A Strasbourg, au siège d’Arte, les téléphones du standard n’arrêtent pas de sonner. Des appels qui n’en finissent pas pour se plaindre. En cause, la diffusion prévue mercredi soir de l’excellent Tomboy, de Céline Sciamma, dont la chaîne franco-allemande est coproductrice.

Pour les intégristes de Civitas, qui se mobilisent, c’est une «propagande pour l’idéologie du genre». «Ce film ne répond pas à la mission d’Arte qui est de « concevoir, réaliser et diffuser des émissions de télévision ayant un caractère culturel »», expliquent-ils sur leur site Internet. Ils appellent ainsi à «protester poliment mais fermement ! Par téléphone, par fax ou par mail».

Ils n’acceptent pas non plus que Tomboy soit diffusé dans les écoles primaires dans le cadre du programme «Ecole et Cinéma». L’œuvre est en effet étudiée par les élèves pour la seconde année consécutive, parmi d’autres, comme Pierre et le Loup de Suzie Templeton ou Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki. Le principe de ces cours optionnels existant depuis des années est d’initier les enfants à la culture cinématographique par la découverte de productions anciennes et récentes.

Tomboy, à sa sortie, a été salué par la critique. Le film raconte avec justesse et pudeur l’histoire de Laure, qui va entrer en CM2. Avec sa famille, elle s’installe dans une nouvelle résidence où, avec ses cheveux courts, elle décide de se faire passer pour un garçon, Michaël. Elle/Il joue au foot, aux batailles d’eau, se bat, comme les autres, jusqu’à ce que sa mère le découvre… Pas de dialogue, pas de grands discours, juste un film sur l’enfance et une fille garçon manqué, un Tomboy, comme on dit en anglais. Déjà vu par des dizaines de milliers d’élèves, il n’avait absolument pas suscité de polémique dans les premiers mois. Et encore moins chez les enfants. «J’ai adoré le film parce qu’il se passe aujourd’hui et que Laure a notre âge, [il] parle de notre vie avec les copains, les copines, les parents, le quartier…», raconte ainsi Lilou, 10 ans, au Nouvel Obs, après une séance. 79% des enseignants parisiens l’ayant visionné le jugent également «très intéressant», rapporte le Figaro, un excellent score.

«Tomboy rappelle une évidence : on ne choisit pas son sexe à la naissance, on en hérite, tout comme son prénom», explique le dossier pédagogique disponible sur le site du CNC. «A partir de là, chacun se construit son identité entre sexualité biologique et sexualité psychique, avec les variantes selon les apparences (vêtements, coupe de cheveux) et le comportement (manières, attitude), distribué selon les codes et les convenances de cette répartition

Malheureusement, entre le début de sa programmation dans les écoles et maintenant, avec les manifestations contre le mariage gay et les fantasmes autour d’une supposée théorie du genre, le contexte a bien changé. Si les critiques autour de Tomboy ont explosé ces derniers jours avant la diffusion sur Arte, le mouvement a commencé plusieurs mois auparavant. Une pétition sur le site Citizen Go, «Non à la diffusion du film Tomboy dans les écoles !», a recueilli plus de 32 500 signatures depuis son lancement le 28 novembre. Les premières protestations seraient parties d’une mère mécontente des Deux-Sèvres. «[Il est] tout à fait dangereux de laisser penser à des enfants de 9 ans que l’on peut changer de sexe, qui plus est sans dommage», aurait-elle écrit pour se plaindre, selon le Courrier de l’Ouest, dans un article de décembre.

L’œuvre de Céline Sciamma n’est qu’une cible parmi d’autres. Toutes les productions destinées à la jeunesse prônant des valeurs de tolérance et de respect de la différence sur les questions de genre, qu’il s’agisse de films, livres ou autres, sont désormais potentiellement dans le collimateur de Civitas, du Printemps français, des mouvances autour de Farida Belghoul qui appellent les parents à des jours de retrait de l’école ou encore de Jean-François Copé.

Pour le moment, le film passera bien sûr sur Arte et il n’est pas prévu qu’il soit retiré du programme «Ecole et Cinéma».


Tomboy Bande-annonce 1 par toutlecine

Quentin GIRARD