La Genèse, le récit des origines du monde de l’Ancien Testament, le raconte ainsi. Façonné par Dieu à son image, Adam procède de sa complétude parfaite, il est à la fois masculin et féminin, ce qui ne l’empêche pas de s’ennuyer dans le jardin d’Eden. Aussi Dieu le plonge-t-il dans un profond sommeil pour lui prélever une de ses côtes et créer Ève, sa compagne, la femme.
« Un récit mythologique selon lequel chacun des deux êtres possède en lui les deux composantes masculin et féminin », note dans un entretien sur LePoint, Alexandra Choukroun, auteur de « Tous homos. À la découverte du moi caché », un essai, assorti de témoignages, qui retrace le parcours d’un questionnement identitaire et sexuel, entre développement affectif et contexte socioculturel, expérimentations et brides morales.
L’être humain a donc été créé homme et femme, masculin et féminin.
Cet être originel doté des deux sexes est également évoqué par Platon, qui dans Le Banquet divise l’humanité en trois catégories :
« le mâle, la femelle et l’androgyne », ce dernier étant joliment désigné comme l’enfant de la lune.
Ces textes relèvent de la mythologie, de la tentative d’expliquer les mystères de la création dans un récit imagé et intelligible, or ils ne sont pas contradictoires avec les découvertes bien postérieures de la biologie. Si le sexe chromosomique de l’humain – XX pour les femmes, XY pour les hommes – est déterminé dès la fécondation, l’embryon tarde à se différencier.
« Extérieurement, l’embryon reste dans un premier temps les deux, masculin et féminin », et ce n’est qu’au cours du quatrième mois de la grossesse que, grâce au travail des gênes et des hormones, les sexes fœtaux se forment. D’après nos connaissances actuelles, les androgènes (hormones sexuelles mâles) jouent là un rôle déterminant. En quantité suffisante, elles permettent au fœtus de se développer en garçon. « Dans le cas contraire, ce sera une fille. Le modèle féminin est pour ainsi dire le type humain de base », note Alexandra Choukroun.
Cette indifférenciation embryonnaire se retrouverait dans notre psychisme. Sigmund Freud, dans ses « Trois Essais sur la théorie sexuelle », affirme que chaque humain possède en lui « une dimension bisexuelle » où les attirances pour les deux sexes cohabitent. Et ce n’est qu’au cours du développement affectif, psychique, qu’une tendance – hétérosexuelle ou homosexuelle – s’affirme et prend le dessus.
Mais la ligne est souvent poreuse. Un homosexuel peut désirer et être attiré par une rencontre hétérosexuelle, comme le contraire.
« Les désirs réprouvés peuvent être mis de côté de façon consciente ou inconsciente. Ce qui a été refoulé ou volontairement écarté pourra réapparaître avec parfois la volonté de vivre ses désirs dans la réalité », conclut la thérapeute de couple.
Les nombreux cas, rencontrés dans sa pratique clinique, en témoignent. Les frontières du désir sexuel et de l’amour sont fluctuantes. Aussi complexes que la nature humaine.
« Tous homos » d’Alexandra Choukroun, éditions L’Archipel, 230 pages, 19 euros