#Transsexuel en #Iran

En #Iran, les #homosexuels risquent la peine de mort. Seule solution pour échapper aux représailles : changer de sexe et donc d’identité. Un pas que bon nombre d’hommes sont prêts à franchir pour pouvoir vivre en paix. La réalisatrice de ce documentaire est allée à leur rencontre.

Paradoxe de la législation iranienne ! Alors que la république islamique interdit l’homosexualité, les personnes transsexuelles sont traitées avec bienveillance par les autorités depuis que l’imam Khomeyni a promulgué une fatwa en leur faveur. Parfaitement légal et effectué avec l’aval du gouvernement, le changement de sexe s’accompagne de l’émission d’une nouvelle carte d’identité. Une véritable renaissance pour quelques-uns et le seul espoir d’éviter le bannissement, la prison ou même la mort pour bien d’autres. Sur le boulevard Mirdamad, au nord de Téhéran, des jeunes gens venus de tout le pays prennent rendez-vous à la clinique privée du Dr Mir Jalali. Formé à Paris, ce chirurgien est le grand spécialiste iranien de ce type d’intervention. Il en a pratiqué plus de 450 au cours des douze dernières années et opère aussi bien des femmes que des hommes. Inlassablement, il explique à ses patients la procédure à suivre, les risques qu’ils encourent et ce à quoi ils doivent s’attendre : « Vous ne pourrez pas vous reproduire, fonder une famille. Sur le plan sexuel, vous n’aurez pas la virilité d’Hercule… »
Que l’on souhaite devenir homme ou femme, le pas à franchir n’est pas facile. Pourtant, bon nombre d’homosexuels, comme Anoosh, 20 ans, sont déterminés à passer sur le billard : « Je suis un être humain qui veut vivre comme tout le monde. » Anoosh en a assez de se faire railler en raison de son apparence et de son comportement jugé trop efféminé ; et, surtout, il a envie de pouvoir se promener dans la rue sans crainte avec son petit ami, Ali. Au spectre de la répression s’ajoute le poids de la religion ! Même ceux qui se sentent persécutés, comme Anoosh et Ali, ont du mal à envisager une relation qu’ils estiment peccamineuse : « J’ai dit à ma mère : tu veux que je devienne homo ? En grandissant, on a besoin de rapports sexuels ; pour l’instant, on s’est retenus… » Dans de telles conditions, quel autre choix s’offre à ces jeunes Iraniens ? Pour ceux qui vivent loin des centres urbains, c’est encore pire.

Changer de sexe, la délivrance ?

Marginalisé dans son village, Ali Askar, 24 ans, doit également faire face à l’incompréhension des siens : « Quand mon père a découvert que j’allais me faire opérer, il est devenu tout d’un coup super gentil… puis il a mis de la mort aux rats dans mon thé. » Selon son ami Farhad, qui l’accompagne dans sa démarche, « la famille préfère qu’il ne se fasse pas opérer, mais ils ne l’accepteront jamais au village, s’il reste comme ça ». Pour Ali Askar, le grand moment est arrivé. Avant l’intervention, il exprime son désarroi : « Dieu nous a créés comme ça. Je ne sais pas comment ça se passe dans les autres pays. On m’a dit qu’on pouvait se marier, mais enfin le mariage, ça sert à quoi ? Avoir des rapports par derrière, c’est un grand péché. Ici, j’ai pas le droit de travailler, de vivre. Chez les hommes, on me harcèle sexuellement, on se moque de moi. Chez les femmes, je ne peux pas travailler parce que je n’ai pas d’identité. Après l’opération, je serai tranquille… Mais si je n’étais pas obligé de me faire opérer, je ne le ferais pas, je ne toucherais pas à l’œuvre de Dieu. » Farhad, qui souhaite aussi changer de sexe, conclut : « Sa famille va le renier à partir d’aujourd’hui… Ça va être douloureux. On n’est qu’au début de nos peines. »

Et après ?

Un an plus tard, que sont devenus Anoosh, Ali Askar et les autres ? Farhad a quitté son village pour s’installer à Téhéran. Il a renoncé à l’intervention chirurgicale pour éviter de se faire renier par sa famille, mais pas seulement : « Quand je suis venu ici, j’ai découvert que certains de ceux qui n’éprouvaient plus de plaisir sexuel se sont suicidés, immolés par le feu… Certains effets secondaires arrivent avec le temps… Bref, je voulais vivre comme tout le monde, une vie saine. Quand j’ai vu ça, j’ai tout arrêté. Je ne voulais pas que ma vie devienne pire. Une opération qui peut te mutiler, te pousser à faire des choses que tu condamnes, à quoi ça sert ? » Anoosh est devenu Anahita et possède un nouveau certificat de naissance la déclarant comme fille. Elle est ravie du changement : « Oui, je me sens à l’aise, parce que celui qui m’exprime des sentiments, c’est comme une fille qu’il me désire, pas comme une dépravée ou une prostituée. » Ses rapports avec sa mère se sont également améliorés depuis l’opération. Ce n’est pas le cas pour Ali Askar, qui s’appelle désormais Negar. Sans nouvelles de sa famille, elle partage son existence avec d’autres transsexuels et survit tant bien que mal : « Je fais des mariages temporaires à droite à gauche. On se vend, comme ça c’est pas un péché. Puisqu’on ne peut pas tomber enceinte, on peut se marier toutes les heures… C’est nos corps qu’on vend, pas nos âmes. »


Transsexuel en Iran (2e partie)


Transsexuel en Iran (3e partie)


Transsexuel en Iran (4e partie)

Beatriz Loiseau
http://www.france5.fr/et-vous/France-5-et-vous/Les-programmes/Archives/LE-MAG-N-21-2009/articles/p-2578-Transsexuel-en-Iran.htm