Neuf ans après la création de Femen, les militantes répondent à leurs sympathisants comme à leurs détracteurs dans un «Manifeste» à paraître vendredi. Extraits.
A vous qui n’êtes, ni fille, ni mère, ni sœur, ni épouse,
A vous qui n’êtes, ni femmes dans l’ombre d’un grand homme, ni petites mains de la guerre, ni forces arrières,
A vous qui êtes maîtresses de votre condition et combattantes pour vos droits,
A vous qui êtes femmes,
L’heure est venue de prendre nos responsabilités et de nous battre ensemble, avec témérité et détermination, pour la grande lutte féministe.
Parce que l’égalité n’est pas qu’une utopie, parce que le commerce des femmes n’est pas un métier, parce que les violences faites aux femmes ne sont ni passion ni honneur mais crime, parce que le viol ne doit pas être une arme de guerre, parce que nos corps ne sont pas des champs de bataille, parce que nos compétences intellectuelles ne sont pas inférieures, parce que nous ne sommes pas de petits êtres vulnérables, ni des morceaux de viande, parce que rien ne nous oblige à respecter des lois et des dogmes qui ont été écrits sans nous et contre nous, exécrons tout de suite et inconditionnellement le système qui nous oppresse. Haïssons-le, dénonçons-le et détruisons-le.
Trop longtemps, nous avons été les complices de notre propre condition d’asservissement. Trop longtemps, nous avons baissé la tête, courbé l’échine, accepté la violence, l’injustice et le mépris et, trop longtemps, nous sommes restées ignorantes à la souffrance de nos semblables.
Seule l’unité pourra nous conduire à la victoire. L’idée ferme de droits universels pour les femmes doit être défendue avec le plus grand acharnement dans le refus catégorique de la moindre négociation à la baisse. Aucune culture, aucune tradition, aucun milieu social, aucun conte millénaire, aucune loi médiévale ne saurait justifier l’oppression d’un sexe par l’autre, et c’est à nous toutes qu’il incombe de renverser ce système.
Dans le monde nouveau que nous bâtirons, aucune opprimée ne saurait devenir ni bourreau ni tyran. Notre projet féministe pour un monde d’égalité, et de justice, n’entend sous aucune manière émasculer ou dominer pour assouvir un quelconque dessein de vengeance. Notre féminisme est une haine assumée, et revendiquée, envers un système au service des intérêts masculins mais pas une haine envers les hommes eux-mêmes.
En revanche, s’entretenir dans l’illusion – au mieux naïve, au pire égoïste – que l’égalité est acquise, et que la domination masculine n’existe pas, c’est permettre à ce système de s’endurcir, et aux injustices de grandir. C’est encourager la main qui nous bat.
Vous qui êtes femmes, vous qui êtes fières de votre sexe et accomplies, vous êtes féministes et devez être responsables du sort de toutes vos semblables.
Vous qui êtes femmes, vous qui baissez la tête et acceptez à demi-mot les injustices, vous êtes féministes et devez être responsables du sort de toutes vos semblables.
Car, être femme et féministe devrait être aussi évident qu’être humain et humaniste, car nous le portons toutes en nous, depuis toujours, et car il suffira d’une colère, d’une rencontre, d’un mot pour que le féminisme de chacune se réveille, éclate au grand jour, et devienne indestructible.
Si l’histoire du monde s’est faite grâce à ses grandes révolutions, démocratiques, sociales et sexuelles, ne pouvons-nous pas penser légitimement que nous méritons, nous aussi, notre révolution féministe ? Celle qui mettrait fin à la plus meurtrière, et à la plus ancienne des oppressions, celle du système patriarcal sur les femmes. Cette révolution mettra en lumière le plus grand génocide de l’histoire de l’humanité, et détruira la machine infernale qui assassine les femmes, parce qu’elles sont femmes.
Vous qui êtes femmes, unissez-vous, révoltez-vous, soyez responsables de votre condition, de la condition des autres, et de la condition des prochaines.
Nous sommes la moitié de l’humanité, nous possédons au quart, nous mourrons au double. Mais nous sommes une force redoutable, et notre union peut tout changer. Nous sommes courageuses, solides, endurantes, et déterminées, soyons prêtes à nous battre. Soyons prêtes à ne plus souffrir pour ce que nous sommes, mais à souffrir pour ce que nous voulons.
Prenons nos responsabilités maintenant, battons-nous, n’acceptons plus.
Le «Manifeste Femen» sort ce vendredi, le 20 mars, aux éditions Utopia, dans la collection Dépasser le patriarcat, 64 pages.