Le festival du film à thématique religieuse s’est tenu ce week-end, du 17 au 18 octobre à Neuchâtel. Le Jury récompense un documentaire d’investigation consacré à de jeunes homosexuels ougandais menacés de mort. «Une réalité atroce» qui demande une réponse de la part de nos Eglises.
Dans «Tuez-les tous!» le journaliste français Dominique Mesmin est allé à la rencontre de jeunes hommes ougandais, dont la vie ne tient qu’à un fil : en Ouganda, l’homosexualité est considérée comme un crime. Ce long métrage emporte le 25e Prix Farel.
Quelle place pour ce genre de documentaires dans un festival du film à thématique religieuse? Cette question a été posée par un membre du public après la projection d’un autre film documentaire: «je ne suis pas raciste… mais», diffusé dans l’émission Spécimen du 24 septembre 2014 de la RTS, qui revient sur la manière dont se construisent, en chacun, les préjugés. Serge Molla, théologien et président du Jury ne répond pas directement à cette question, mais déclare au moment de la remise du prix dans la catégorie longs métrages: «le reportage de Dominique Mesmin reflète une réalité atroce, et cette réalité demande une réponse de la part de nos Eglises». En Ouganda en effet, le gouvernement a été soutenu dans son projet de loi par des voix de représentants religieux très écoutées dans ce pays.
Un festival ouvert
«Les critères selon lesquels nous sélectionnons les films sont sans doute à affiner, ou à affirmer», déclare Françoise Petremand, membre du Comité Farel depuis de nombreuses années, et mémoire du festival; «Nous recevons de plus en plus de films, venant d’un plus grand nombre de pays, et les choix ne sont pas toujours simples. Le festival est en effet de plus en plus réputé, et il se veut ouvert».
Devant une telle diversité, sur quels critères se fait l’attribution des prix? «On n’a aucun critère déterminé, tout du moins sur plan théologique», précise Serge Molla qui se dit ouvert à évoluer sur ce point. Interrogé sur cette question, Marek Lis, docteur en sciences de la communication sociale, et professeur de théologie à l’université d’Opole en Pologne, rajoute: «l’un des critères déterminants, c’est la qualité de la réalisation, bien sûr. Il faut savoir aussi que dans ce genre de festivals, ce n’est pas forcément le “meilleur film” qui va être primé, mais celui qui aura la chance de trouver un consensus au sein du jury. On évite aussi de donner le prix au même réalisateur deux années de suite, par exemple».
Un autre membre du Jury, Jean-Jacques Cunnac, réalisateur de formation, et coorganisateur du Festival chrétien du cinéma de Montpellier, rajoute: «ce qui est vraiment difficile, c’est de comparer des films de genre très différents. Nous avions là des documentaires, des reportages d’investigation, des fictions, des témoignages. Le critère premier pour moi, c’est l’intérêt que suscite le film. Si je commence à m’ennuyer en le regardant, c’est que quelque chose ne va pas au niveau de la réalisation».
Questions spirituelles nécessaires
«Il y a une vraie nécessité dans notre monde pour les questions spirituelles», déclare Mario Fossati, chef de l’unité des magazines TV à la RTS, au moment de la remise des prix, «et cela passe aussi par le cinéma», continue-t-il, «et ces questions sont trop sérieuses pour qu’on les traite n’importe comment, c’est important que ce soient des professionnels qui s’en occupent. Bravo le Prix Farel!»
Michel Kocher, journaliste et directeur de Medias-pro, département protestant des médias, va dans ce sens, et précise «avec mon collègue de Cath-Info (son homologue catholique Bernard Litzler, directeur du Centre Catholique de Radio et de Télévision devenu Cath-Info) nous sommes main dans la main, et ensemble nous soutenons le Prix Farel, et continuons de penser que ce festival est important pour les journalistes et les producteurs. Et il évolue: nous sommes attachés à la diversité confessionnelle et religieuse, ainsi qu’à une ouverture culturelle. Il est légitime de faire de la place à plusieurs formats pour exprimer le religieux».
Invité à prendre parole, Thomas Facchinetti, conseiller communal de la ville de Neuchâtel déclare: «nous sommes fiers d’avoir ce festival à Neuchâtel, qui est un véritable état laïc. Avec ce festival, on va au cœur des questions sensibles».
Palmarès complet
Père, bénis-nous (Father bless us) de Elene Naveriani
Mention:
Jusqu’au dernier souffle de Murielle Landry
Moyens métrages
La justice restaurative –quand détenus et victimes se parlent de Marjolaine Dorne et Alexis Orand
Longs métrages
Tuez-les tous! de Dominique Mesmin
Mentions:
Même pas mal de Nadia El Fani
Nicolaï Greschny, une affaire de famille de Vladimir Kozlov
Prix des participants
Le père Bernard Bastian de Jean-Yves Fischbach
Prix de la vidéo en ligne
Protestants en boite (teaser) –Jésus qui lave les pieds, c’est dégoûtant? de Benjamin Bories
Par Elisabeth Schenker