Tunisie – Affaire Marwen : condamné à deux mois de prison ferme et 300 dinars d’amende en appel

Un étudiant tunisien condamné en première instance à un an de prison pour homosexualité a vu sa peine réduite à deux mois jeudi à Sousse (centre-est), une période qu’il a déjà purgée, a annoncé à l’AFP son avocate.

La Cour d’appel a jugé Marwen (un nom d’emprunt) coupable et « réduit la peine d’une année de prison à deux mois ferme, la période que mon client a déjà purgée », a déclaré Fadwa Braham, précisant qu’il avait également écopé d’une amende de 300 dinars (environ 206 dollars CAN).

« C’est injuste et inacceptable », a martelé Me Braham, en annonçant qu’elle allait se pourvoir en cassation, « Certes cette peine est plus clémente, mais ça reste une condamnation ».

« Je suis content pour sa libération , mais on est encore loin le mal est déjà fait! », a déclaré Hedi Salhy, vice président de l’association « Shams » pour la dépénalisation de l’homosexualité, contraint à quitter le pays après avoir reçu des menaces de mort.

« Aujourd’hui, les médias relatent l’affaire d’un jeune homme de 24 ans assassiné par son frère à la ville de Fahes ( Gouvernorat de Zaghouan) parce qu’il est homosexuel, ceci dénote du degré de la violence à l’égard des homosexuels et ce, dans l’indifférence totale des pouvoirs publics. Pire encore, des politiciens et des médias qui nourrissent cette haine », a renchéri Hedi Salhi.

Lors de la deuxième audience de son procès en appel, le jeune homme a demandé un non-lieu au tribunal de Sousse , selon son avocate Fadoua Braham.

« Il a dit au juge qu’il allait être diplômé cette année, qu’il allait chercher du travail et que ce serait très difficile avec un casier judiciaire », a-t-elle ajouté.

Le jeune Marwen a été arrêté en septembre puis condamné à un an d’emprisonnement par un tribunal de Sousse, avant d’être remis en liberté provisoire début novembre contre une caution de 500 dinars (230 euros).

Interpellé afin d’être interrogé sur une affaire d’homicide, cet étudiant avait nié toute implication dans le décès, mais reconnu avoir eu des relations sexuelles avec la victime. D’après son avocate, la police avait alors rédigé un autre procès-verbal et l’avait obligé à se soumettre à un examen anal, avant son inculpation pour homosexualité.

L’article 230 du Code pénal tunisien punit de trois ans d’emprisonnement la sodomie et le lesbianisme.

Cette affaire a entraîné une levée de boucliers. Plusieurs associations de défense des droits humains, locales et internationales, ont condamné le test anal, une pratique « cruelle », « inhumaine » et « dégradante », contraire aux lois internationales et pouvant être assimilée à un acte de « torture ». Elles ont réclamé une révision du Code pénal en se fondant sur la nouvelle Constitution qui fait de l’État tunisien le « garant de la protection de la vie privée des citoyens ».

Au titre de cet article, six autres étudiants ont été condamnés le 10 décembre par un tribunal à Kairouan (centre) à trois ans de prison ferme et trois ans d’interdiction de séjour dans cette ville.

Interpellés début décembre après avoir « été dénoncés par des voisins », ces six hommes ont reconnu avoir eu des « pratiques homosexuelles » et ont été condamnés à trois ans d’emprisonnement, soit la peine maximale, selon leur avocate Boutheina Karkni.

Comme Marwen, ces étudiants ont subi durant leur détention préventive un examen anal, une pratique vivement critiquée par les ONG qui la jugent «inhumaine» et « dégradante ». Dans un communiqué commun, 13 ONG ont qualifié de « moyenâgeuse » la peine de bannissement prononcée.

L’avocate des six jeunes hommes a fait appel de leur condamnation.

Sans se prononcer sur la condamnation pour homosexualité, le président Béji Caïd Essebsi a jugé jeudi que la mesure d’interdiction de séjour ne devrait plus être appliquée.

« Le bannissement (…), ce n’est pas raisonnable. Je ne m’ingère pas dans (les affaires de) la justice, mais il y a des choses que l’être humain ne peut accepter », a-t-il dit à des députés, selon une vidéo publiée par la radio Mosaïque FM.

Lors d’un entretien début octobre avec une chaîne égyptienne, M. Essebsi avait rejeté une dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie. L’abrogation de l’article 230 « n’aura pas lieu, je refuse cela », avait-il asséné.