Condamnés le 10 décembre dernier à trois ans de prison ferme et à 5 ans d’interdiction de séjour dans la ville de Kairouan, où ils étudiaient, les six jeunes hommes accusés de « pratiques homosexuelles » ont été finalement remis en liberté sous caution ce jeudi au terme de la première audience de leur procès en appel.
Contactée, leur avocate, Me Fadoua Braham, se dit « optimiste » pour la suite du procès dont la prochaine audience se déroulera le 25 février (500 dinars, soit 250 euros). Mandatée par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), elle a également défendu le jeune Marwen (nom d’emprunt) condamné en appel, en décembre 2015, à deux mois de prison ferme.
« Le plaidoyer était axé sur les vices de procédures notamment le fait que la descente de la police a été effectuée sans un ordre écrit et qu’ils avaient subi un test anal…
Le fait que le juge décide de les libérer est un signe d’espoir. Il a eu le courage de statuer selon sa conscience et il a tenu compte du fait qu’ils sont très jeunes. Quatre d’entre eux n’ont que 18 ans. Jeter en prison des jeunes à fleur de l’âge brisera à jamais leur avenir Pour l’instant, le procès se déroule dans d’assez bonnes conditions. »
Les six personnes ont été arrêtées dans le foyer universitaire de Rakkada et accusées sur la base de l’article 230 du Code pénal, criminalisant l’homosexualité. Un des six accusés a également été condamné à six mois de prison ferme pour attentat à la pudeur, sur la base de l’article 226 du Code pénal. Cette accusation a été retenue en raison de séquences vidéos filmant des rapports entre hommes découverts dans son ordinateur. Ils avaient également subi un toucher rectal, censé prouver leur culpabilité.
La particularité de la peine prononcée par le juge réside dans l’interdiction de séjour dans la ville de Kairouan, pendant cinq ans. Il s’agit là d’une peine complémentaire prévue dans l’article 5 et 22 du Code pénal.
« On a mis l’accent sur la nécessité de mettre fin à la vague de répression des libertés individuelles ainsi que l’absurdité de la peine de bannissement car en quoi une telle sanction protégerait la ville de Kairouan et pourquoi protéger Kairouan et pas les autres villes! », s’insurge Me Fadoua Braham.
Le président tunisien avait réagi à cette condamnation et au bannissement de ces jeunes. Dans une vidéo diffusée par Mosaique Fm en marge d’une rencontre avec des membres du gouvernement et de l’Assemblée des représentants du peuple, Béji Caïd Essebsi a pris une ligne divergente des peines prononcées. Tout en exprimant son opposition à l’ingérence dans le travail de la justice, il a « estimé » la mesure de bannissement « inadmissible » : « Je ne veux pas interférer dans le travail de la Justice mais il y a des choses que l’esprit humain ne peut pas admettre », a affirmé le président de la République, soulignant que l’interdiction de séjour était « une mesure qui n’existe plus, nous l’avons abolie ».
« Ces six jeunes vont pouvoir retourner dans leurs familles en attendant la prochaine audience le 25 février prochain. Nous allons demander le non-lieu. Si nous ne l’obtenons pas, comme ce fut le cas dans le dossier de l’étudiant Marwen qui comparaissait en appel devant le même juge, nous irons devant la Cour de cassation. Notre mobilisation est entière. Nous n’allons pas nous arrêter là, surtout que nous nous attendons à ce qu’il y ait d’autres cas de ce genre. »