Dans les entreprises, 65% des homosexuels continuent de se cacher. On est loin des 99% d’il y a quelques années : les mentalités ont considérablement évolué. De moins en moins de salariées s’inventent un petit copain, comme je le faisais moi-même au début de ma carrière, pour ne pas détonner à la cafétéria lorsqu’on se raconte notre week-end entre collègues.
La société change et SFR a étendu le congé paternité aux salariés homosexuels. Il ne faut pas croire que nos vies personnelle et professionnelle sont déconnectées. Nous ne sommes pas des robots : lorsque l’on prend des pauses, la vie privée ne manque pas d’être évoquée dans la conversation. Et il n’est pas toujours évident de parler de sa compagne lorsque l’on est une femme ou de son compagnon lorsque l’on est un homme ; on ne sait pas toujours quelles seront les réactions des autres collaborateurs.
Les comportements en entreprise évoluent
À HomoSFèRe, notre combat est de faire en sorte que les homosexuels ne soient plus obligés de se cacher. Et il faut avouer que SFR est une entreprise plutôt innovante dans ce domaine. L’association des lesbiennes, gays, bis et trans chez SFR, HomoSFèRe, est autorisée à communiquer sur l’intranet, à organiser tous les 1er décembre dans les locaux SFR une action de lutte contre le sida. Et, les collaborateurs homosexuels dont le conjoint vient d’avoir un enfant auront droit désormais à un congé paternité de 11 jours, comme leurs collègues hétérosexuels.
Cette demande auprès de la direction des ressources humaines est venue d’une collaboratrice homosexuelle, qui a un projet d’enfant avec sa partenaire. Comme c’est sa conjointe qui portera l’enfant, elle a voulu savoir si, après l’accouchement, elle aurait droit aux onze jours, au même titre que ses collègues masculins hétérosexuels. Nous nous sommes donc emparés du sujet.
La directrice générale n’a pas hésité. Pour elle, la société a évolué et les 20 millions de clients, ainsi que les 10.000 collaborateurs de SFR, sont le reflet de ces évolutions. Nous avions demandé ce droit au congé paternité pour les couples de femmes (sachant qu’il est interdit aux couples homosexuels d’adopter des enfants et qu’il est donc plus difficile pour un couple d’hommes de fonder une famille), mais il a été étendu à tous les couples.
Cela traduit la politique de lutte contre les discriminations conduite par SFR, qui a reçu en 2010 le label « diversité ». N’oublions pas que, pour le moment, ce congé paternité des salariés homosexuels va être pris en charge sur les deniers de l’entreprise et non de la CPAM, comme pour les salariés hétérosexuels.
Lutte contre l’homophobie latente
Bien sûr, il y a encore d’autres progrès à faire dans la lutte contre les discriminations. Après le congé paternité, il faut encore que les collaborateurs homosexuels et hétérosexuels bénéficient des mêmes congés leur permettant de s’occuper de leurs enfants, comme le congé enfant malade.
Nous souhaitons aussi que la direction prenne davantage la parole sur ces questions, pour faire de la pédagogie envers les collaborateurs hétérosexuels et pour transmettre aux collaborateurs homosexuels un message positif. En effet, c’est toujours HomoSFèRe qui communique : ce n’est jamais la direction qui prend la parole lors des événements organisés par HomoSFèRe.
Or cette prise de parole compte beaucoup. Car, si de nombreuses démarches sont entreprises par la direction, tout n’est pas rose dans la vie d’entreprise lorsque l’on est homosexuel. Des collaborateurs ressentent un climat hostile, surtout dans les directions où le personnel masculin est surreprésenté : difficile de dévoiler son homosexualité lorsque l’on entend de grosses blagues potaches sur les « pédés » à longueur de journée.
D’autres viennent nous dire qu’ils aimeraient bien adhérer à HomoSFèRe, mais qu’ils ont peur de voir leur promotion de carrière pénalisée, notamment parce qu’ils craignent que certains managers soient homophobes. Même s’il est rare d’assister à des actes d’homophobie ouverts, j’ai le souvenir que, lors de la nomination d’un homosexuel à un poste de directeur, certains membres de l’équipe avaient clairement dit qu’ils souhaitaient en changer.
En ce qui concerne la femme à l’initiative de ce congé paternité, qui va donc décliner au service des ressources humaines son homosexualité pour bénéficier de ce congé à la naissance de son enfant, beaucoup de télévision ont appelé pour la faire témoigner. Mais elle a refusé, pour ne pas faire de vagues. Et aussi parce que sa compagne travaille dans une autre entreprise, où le climat est bien plus homophobe. J’espère donc qu’avec le rayonnement de la marque SFR, cette décision fera des émules. Jusqu’à ce que l’on légifère.
Propos recueillis par Daphnée Leportois.
Par Isabelle Morison
Administratrice d’HomoSFèRe