Absent à l’audience, le procès de Patrice Evra, déjà reporté, s’est finalement tenu sans lui, ce jeudi 15 décembre, devant le tribunal de police de Paris, qui a requis la peine maximale, une amende de 1500 euros, dont 300 avec sursis, pour ses propos homophobes de 2019.
L’ancien capitaine de l’équipe de France de football avait en effet lancé sur les réseaux sociaux, en marge d’une victoire en Ligue des Champions de Manchester United, son ancien club, contre le PSG : « Paris, vous êtes des pédééééés, vous êtes des pédéééés… Ici, c’est les hommes qui parlent ».
STOP homophobie et l’association Mousse, soutenues par le collectif anti-homophobie Rouge Direct, avaient déposé plainte pour « injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle ». Mais le juge d’instruction a requalifié les faits en « injure non publique » et renvoyé l’affaire devant le tribunal de police, estimant que l’ex-footballeur s’était exprimé dans un cadre privé pour la réalisation d’une vidéo qui a ensuite été publiée sur Snapchat « à son insu ».
Son avocat, Jérôme Boursican, a donc assuré que Patrice Evra « s’est fait piéger » par l’auteur de cette vidéo. Ce serait lui la victime. Il n’a pas « voulu porter atteinte à la communauté homosexuelle ». Il aurait exclusivement visé « le PSG », d’où ses excuses publiées le lendemain. Et si les mots choisis sont « inacceptables », c’est que Patrice Evra « a été élevé dans les quartiers », a fait valoir Me Boursican. Il n’avait pourtant cessé ses posts qu’après la plainte des associations.
Certes, Patrice Evra s’adressait à « un club adversaire », mais il « connaît la signification de cette injure, il sait qu’elle renvoie à une orientation sexuelle et même si elle n’avait pas pour objet manifeste de blesser un groupe de personnes se reconnaissant dans cette orientation sexuelle », il utilise le terme de façon « stigmatisante et dénigrante », a répliqué la procureure du tribunal de police.
« C’est la responsabilité de Patrice Evra, personnalité médiatique, suivie par de nombreux jeunes (…), de tenir un discours citoyen et respectueux de tous. Il est temps que les propos changent de ce point de vue », a-t-elle ajouté, déplorant la banalisation de ces propos dégradants visant les LGBT+ dans notre société. « Il est temps que les comportements changent ! ».
Me Etienne Deshoulières, avocat des associations, a rappelé que la vidéo injurieuse est toujours en ligne et qu’elle avait été vue par près d’un million de personnes. L’ancien capitaine des Bleus aurait pu demander sa suppression s’il regrettait sa diffusion. Mais ces propos ont aussi alimentés « un déluge de haine et de violence homophobe » en particulier dans les pays où l’homosexualité est réprimée pénalement, notamment au Sénégal, dont Patrice Evra est originaire et où il a développé une activité humanitaire.
La décision du tribunal sera rendue le 9 février. Mais à quelques jours de la finale du Mondial au Qatar où la France défendra son titre de championne du Monde, ce procès aura « mis en lumière l’homophobie banalisée dans le football, y compris en Equipe de France », insiste Julien Pontes de Rouge Direct.
La Fédération Française de Football, son président Noël le Graët, les Bleus aussi, ont dès à présent responsabilité morale de dénoncer publiquement, du Qatar, la répression des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. De rappeler que les droits humains sont universels et inconditionnels. Que les persécutions, les arrestations, les tortures, les emprisonnements des LGBT ne relèvent en aucun cas de la « culture » d’un pays, qu’il faudrait respecter, mais de la violation de droits humains fondamentaux.
« C’est aussi la responsabilité du Président de la République, qui sera de nouveau présent au Qatar dimanche, de l’affirmer au nom de la France. »