Face aux bouleversements de la famille, pierre angulaire de la religion catholique qu’il ne cesse de défendre, le pape François a engagé les évêques dans une consultation sans précédent.
Un questionnaire en 38 points, précis et sans tabou, a été adressé par le secrétariat du synode (assemblée des évêques) aux conférences épiscopales, a annoncé mardi le Vatican.
«Comment les baptisés vivent-ils leur situation irrégulière (concubinage, divorce, union homosexuelle, ndlr)? En sont-ils conscients ? Manifestent-ils simplement de l’indifférence ? Se sentent-ils écartés?», veut savoir entre autres le chef de l’Eglise. Le pape, qui veut renforcer la collégialité dans l’Eglise, s’est rendu à deux reprises début octobre au secrétariat du synode pour discuter de la préparation du questionnaire.
Objectif: relancer l’évangélisation
Son but est clair: relancer l’évangélisation, en faisant aimer les valeurs de la famille et du mariage, mais aussi en témoignant de la «miséricorde» à l’égard de ceux qui ne sont pas «en règle». «Les attentes sont énormes», indique un document préparatoire. Les questions regroupées en neuf chapitres demandent aux évêques de donner leur avis sur les évolutions en cours et avant tout sur la position des fidèles, après enquête dans les paroisses. Le document rappelle la doctrine catholique, ancrée dans la Bible, sur le mariage, union indissoluble d’un homme et d’une femme avec pour projet la procréation. Jean Paul II et sa vision très absolue du droit naturel sont largement cités comme référence.
Devant une salle de presse comble, le cardinal hongrois Peter Erdö, rapporteur général du prochain synode, réputé conservateur, et Mgr Bruno Forte, secrétaire spécial (classé réformiste), ont souligné la nécessité d’une meilleure écoute de l’Eglise. «Il ne convient pas de faire comme l’autruche, de mettre la tête dans le sable», a affirmé le prélat italien, évoquant une société sans valeurs fermes, «les fragilités psychologiques, le stress» qu’entraîne dans les familles le rythme du monde contemporain.
Le document énumère les réalités d’aujourd’hui, demandant aux évêques d’apporter des suggestions dans le respect de l’Evangile: la multiplication des couples en union libre, les mariages mixtes ou inter-religieux, les familles monoparentales, la polygamie, les mariages arrangés, le système des castes. Mais aussi «la culture du non engagement et de la présupposée instabilité du lien; les formes de féminisme hostiles à l’Église; la reformulation de l’idée même de famille; le pluralisme relativiste dans la conception du mariage; les courants de pensée inspirant les propositions législatives qui dévaluent la permanence et la fidélité du pacte matrimonial; l’expansion du phénomène des mères porteuses».
C’est la première fois que l’ensemble des évêques sont consultés sur ces sujets
Mgr Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du synode, a souligné la «grande ouverture» de l’Eglise qui permet aux enfants des couples qui ne sont pas en règle avec elle -gays, concubins, divorcés– d’être catéchisés et d’avoir accès aux sacrements. Un leitmotiv de l’ancien cardinal Jorge Mario Bergoglio.
C’est la première fois que l’ensemble des évêques sont consultés sur le mariage gay, le concubinage, ou le cas des divorcés remariés. Ils peuvent aussi avancer d’autres thèmes. Ainsi, l’inceste a été proposé par un interlocuteur français, a indiqué Mgr Forte. Le cardinal Erdö a reconnu que dans certains pays, «l’immense majorité des jeunes» vivent en union libre, y compris de nombreux jeunes catholiques engagés dans les mouvements d’Eglise. «Ce n’est pas l’Evangile qui change, nous devons le comprendre mieux», a dit Mgr Forte pour justifier cette consultation sans précédent, qui se fait dans l’esprit du Concile Vatican II.
Les évêques doivent répondre au questionnaire dans un délai assez bref, pour permettre l’élaboration de «l’instrumentum laboris» (document de travail) de l’assemblée extraordinaire du synode convoquée du 5 au 19 octobre 2014 sur les défis de la famille. Cette réunion sera suivie en 2015 d’une Assemblée générale ordinaire. Autrement dit: une consultation aura lieu en 2014, en vue de l’adoption de décisions en 2015. «Je n’ai pas les réponses toutes préparées», a répondu Mgr Forte aux attentes des médias. Le débat sera ouvert.
Avec AFP