Dans sa chronique hebdomadaire du 3 juin dernier sur l’antenne de Radio J, le Grand Rabbin Joseph Sitruk a assimilé la marche des fiertés, qui se déroulait ce jour-là à Tel-Aviv, à une « tentative d’extermination morale du peuple d’Israël », rabaissée par cette manifestation « au rang le plus vil. »
Estimant ainsi que le danger lui paraissait « suffisamment important pour que tout le monde crie son désaccord devant une telle offense », le dignitaire a expliqué que selon la Torah « l’homosexualité était une abomination, un échec de l’humanité », avant d’appeler les auditeurs au secours, en les invitant à réagir « de façon radicale ».
« Des propos qui ont largement dépassé la limite de l’acceptable et constituent clairement un appel à l’homophobie et à la haine », s’insurge dans un communiqué le président du Beit Haverim, association Juive LGBT.
« A quelle « radicalité » pense-t-il ? Poignarder une ado, comme ce fut le cas l’an dernier à Jérusalem ? Jeter les gays par-dessus une falaise ? On n’est plus là dans l’expression d’une opinion politique. On est ici, clairement, dans une dérive intégriste », s’inquiète Alain Beit, qui rappelle que Shira Banki n’avait que 16 ans : « Le rabbin s’en souvient-il ? A-t-elle eu droit à un Kaddish de sa part ? (…) Plus d’humanité et d’amour dans sa lecture de la Torah pour nous guider eut été appréciée (…) Est-il utile de rappeler que l’homosexualité n’est nullement un choix mais une identité ? Comment pourrions-nous, après une telle manifestation de rejet, entrer sans crainte dans les synagogues du consistoire ? »
Le militant dénonce également l’irresponsabilité de Radio J., qui a fait le choix, alors que la chronique n’a vraisemblablement pas été réalisée en direct, de la diffuser quand même, « sans filtre et sans commentaire » : « Par cette mise en ligne, vous cautionnez clairement une incitation à la haine, ce qui est réprimé pénalement. Avez-vous pensé au nombre d’homosexuel(le)s qui vous écoute ? Avez-vous pensé à leurs familles et à leurs amis ? Savez-vous le nombre de jeunes religieux qui se donnent la mort chaque année, à raison d’une orientation sexuelle qu’ils n’osent pas révéler ? Savez-vous ce que c’est, quand on est juif et gay, et qu’on a déjà tant à faire avec les antisémites, de devoir en plus composer avec des religieux qui, à l’instar de Monsieur Sitruk, associe votre intimité à une « perversité », une « immoralité », une « abomination » ? Et croyez-vous vraiment que vos auditeurs attendent ce type de ligne éditoriale ? »
Si le président de la chaîne s’est totalement désolidarisé de l’ancien grand-rabbin, condamnant fermement ses propos dès le dimanche suivant sur le site de la radio, il rappelle néanmoins qu’une censure aurait été improbable : « cela fait 29 ans que le GR SITRUK consacre en toute liberté sur notre radio ses chroniques à son choix de sujet. Personne ne pourrait imaginer qu’une quelconque censure préalable puisse lui être imposée ainsi qu’à tous nos autres chroniqueurs… D’aucune manière sa dernière chronique ne reflète la ligne de cette radio ».
Sur Actualité Juive, l’actuel Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, regrette les commentaires de son prédécesseurs, qui auront « dépassé sa pensée » et ne correspondent aucunement à ce que le grand rabbin Sitruk « a construit d’humanité tout au long de sa carrière ». Il n’aura pas sans doute « mesurer le risque d’interprétation d’appel à la violence de ses mots sur d’éventuelles actions radicales de qui que ce soit : le grand rabbin Sitruk a toujours affirmé que celui qui commet un crime au nom de l’Éternel, commet un crime contre l’Éternel ». Il rappelle que « chacun doit accueillir l’autre dans le respect de son intimité et, de façon plus générale, en œuvrant en faveur de la lutte contre les discriminations, y compris contre l’homophobie », assurant qu’en la matière, « Joseph Sitruk a toujours été à l’avant-garde de tous les combats menés par la société française au cours de ces trente dernières années ».
Une prise de parole salutaire, qui ne saurait néanmoins effacer des propos « qui s’inscrivent dans le cadre de l’appel au meurtre et de l’incitation à la haine », souligne le Beit Haverim qui envisage des poursuites. L’association attire pour l’occasion l’attention du Grand Rabbin sur la réalité des commentaires haineux qui « foisonnent sur les réseaux sociaux, dans des proportions franchement inquiétantes : Ils sont le symptôme évident d’un problème d’homophobie dans la communauté (…) Nous espérons que vous vous saisirez de ce problème et que vous combattrez sans relâche les extrémistes qui menacent notre communauté. »
Le Beit Haverim devrait rencontrer le grand rabbin Korsia pour une Conférence-Débat le 29 juin prochain, pour « une meilleure compréhension entre LGBT et hétéros, religieux et laïques. »
Nous sommes alertés que dans le contexte actuel, le Parquet de Paris n’est toujours pas poursuivi et que ce soit encore aux associations d’en assumer la charge.
Feriez-vous des différences entre les créatures de Dieu ? », insiste t-elle encore soulignant qu’elle était fière de faire partie du mouvement religieux juif majoritaire dans le monde aujourd’hui, qui affirme la totale égalité de leurs fidèles et qui donne aux juifs homosexuels la même place qu’aux hétérosexuels. Fière que l’Etat d’Israël organise cette marche de fierté (gay pride) alors que d’autres pays continuent de persécuter, prôner l’exclusion et la violence envers cette communauté. Fière aussi de voir des drapeaux multicolores flotter dans le ciel d’Israël aux côtés des drapeaux bleus et blancs, ainsi que de compter de nombreuses personnes gays dans sa communauté et qu’elles puissent accéder comme tous les autres juifs à tous les rites… » :
Comme tous les êtres humains, ils portent en eux l’étincelle divine car quelle que soit notre orientation sexuelle, nous avons tous « été créés à l’image de Dieu », betselem elohim (Gen.1, 27) ! »
stophomophobie.org