Elle est née en tant qu’Isabelle. Et n’aspire qu’à une chose : pouvoir être Alexy au quotidien et en toute quiétude. Un souhait qui se heurte pourtant à un mur d’incompréhension. Quand ce ne sont pas des railleries, des insultes ou des humiliations. Tant auprès de son cercle familial que dans la cité de la banlieue valenciennoise où il vit. Et où il ose de moins en moins sortir de chez lui, face à la hausse de la transphobie et de l’homophobie qu’il ressent…
Avoir « la sensation d’être un garçon prisonnier d’un corps de fille »… C’est vers l’âge de 17 ans qu’Alexy, aujourd’hui âgé de 56 ans, réalise qu’il est transsexuel. « Avant cela, je me sentais très mal dans ma peau. Je me posais beaucoup de questions : Peut-être que je suis homosexuel ? Il n’y avait pas encore Internet. Puis le thème de la transsexualité a commencé à être évoqué dans les médias et les magazines. C’est là que j’ai pris conscience de mon identité. » Une identité bien difficile à assumer. Ce n’est que depuis l’année dernière – soit trois ans après le décès de ses parents – qu’Alexis a décidé d’opter pour un look « en harmonie avec mon esprit. Jusque-là, je me maquillais un peu les yeux et les lèvres. Et j’avais les cheveux en carré long. Il y a un an, j’ai donc commencé à m’habiller de manière beaucoup plus masculine. J’ai cessé de me maquiller et j’ai coupé mes cheveux très courts. »
C’est alors que le quotidien d’Alexy aurait basculé. « C’est depuis ce temps-là qu’on me rabaisse et qu’on m’humilie », explique Alexy qui ne sent pas plus compris de son voisinage que de sa famille. « On a dit que je suis quelqu’un de malade, qu’il faut que j’aille me faire soigner par un psychiatre. C’est peut-être parce que je ne suis pas marié et que je n’ai pas d’enfants. Je n’ai plus non plus de famille. Ils m’ont complètement rejeté. »
Et lorsqu’Alexi a voulu « être franc et expliquer que j’étais transsexuel aux associations de quartier ou clubs sportifs que je fréquentais, on m’a pris pour un fou et on m’a rejeté ». Un rejet qui se serait accentué depuis le mois de janvier et les débats houleux autour du mariage pour tous. « Les gens ne font pas forcément la différence entre homosexualité et transsexualité. Ce ne sont pas forcément des notions bien médiatisées. Et tous les jours, c’est l’enfer. On n’ose pas sortir, car on sent qu’on n’appartient pas à la norme. J’angoisse quand je dois aller à la cave (de l’immeuble où il vit), car il y a plein de graffitis contre les homosexuels. Un dimanche matin, en janvier ou février dernier, on a voulu me brûler alors que je me rendais à la messe. J’ai reçu des claques et j’ai été bousculé. Mais il n’y avait pas de témoin. »
« Je voulais en finir, car c‘était trop de souffrance »
Autre souvenir douloureux pour Alexy : « la veille de Noël, j‘étais parti pour faire des courses à Saint-Amand. J’attendais qu’une place se libère pour me garer. Et des gens sont sortis de leur voiture pour me traiter de sale lesbienne ! » Autant d’épisodes traumatisants qui le conduise à commettre l’irréparable contre lui-même, voilà quelques mois. « Je voulais en finir, car c’était trop de souffrance que de ne pas être accepté comme on est. J’ai la sensation de vivre le racisme le plus total. »
Une intervention chirurgicale rendrait-elle le quotidien d’Alexy plus facile à vivre ? « J’envisage de faire une transformation, avec le soutien d’une association lilloise. J’y réfléchis. Mais cela reste une opération avec ce que cela comporte de risques. Et c’est très coûteux, car ce n’est pas remboursé intégralement. Puis il faut passer par un juge familial, pour pouvoir faire faire tous les changements administratifs. C’est très long et très difficile à vivre. » Á moins que la société n’évolue davantage, d’ici là, vers les modèles suisses, norvégiens ou même espagnols, où « le transgenre est beaucoup plus accepté que chez nous ».
Par CATHERINE BOUTEILLE
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