Depuis une dizaine de jours, à Paris, mais aussi dans plusieurs villes de province, un noyau de farouches opposants au mariage pour tous continue de protester contre la loi Taubira. Mais aussi contre l’incarcération de l’un des leurs. Leur nom ? Les veilleurs debout.
Minuit, la place Vendôme, plongée dans l’obscurité, est déserte. Mais sur un côté, une vingtaine de personnes, telles des statues de cire, se tiennent sans bruit, face au ministère de la Justice : ces « veilleurs debout » constituent un noyau d’irréductibles qui protestent contre le mariage homo.
Une bouteille d’eau à leurs pieds, quelques victuailles parfois, ils lisent, écoutent de la musique ou sont simplement immobiles, toujours à quelques mètres les uns des autres. Depuis dix jours, nuit et jour, ils se relaient, à Paris, mais aussi dans plusieurs villes de province, pour protester contre la loi Taubira et contre l’incarcération de l’un des leurs.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, certains se sont rendus devant l’Élysée, en pleine nuit, avant d’être repoussés par les forces de l’ordre. «Les Veilleurs debout sont l’ultime réponse à ce gouvernement qui nous ignore», explique Agnès, dite «la tornade rose». Cette mère au foyer âgée de 43 ans, qui a six enfants, vient veiller la nuit, entre minuit et six heures, «une fois que son mari a pris le relais à la maison».
«Un combat juste»
Cette bavarde avoue que, pour elle, «se tenir debout sans parler est une forme d’action très forte» pour un «combat juste» avant de s’engager dans un long discours sur la justice française qui opprimerait les militants et donc sur Nicolas Buss, condamné le 19 juin à quatre mois de prison dont deux ferme, actuellement incarcéré à Fleury-Mérogis.
«On se relaie depuis mardi dernier, via Facebook ou Twitter. On restera là tant que Nicolas ne sera pas libéré», renchérit, pendant une pause, un veilleur lyonnais qui souhaite rester anonyme. «L’essentiel c’est Nicolas, parce qu’on ne croit plus trop au retrait immédiat de la loi», ajoute-t-il, indifférent aux premières gouttes d’orage, comme les quinze autres militants répartis sur les marches du palais de justice historique dans le Vieux Lyon.
Une évocation de l’homme debout de la place Taksim
Même discours de Jeanne, jeune lycéenne versaillaise de 17 ans, qui a profité de la fin des examens pour venir avec des amis veiller face aux grilles de la préfecture. Elle évoque aussi «la liberté de penser», bafouée aujourd’hui en France. Parmi ses camarades, certains distribuent de temps en temps des sucreries aux autres veilleurs.
Jean-Pierre, cravate bleue électrique d’un autre âge, est venu place Vendôme «directement après le boulot» et a plié sa veste de costume sur sa mallette d’ordinateur, posée entre ses jambes. Il accepte de discuter avec une passante, qui l’interpelle sur leur mouvement qui se poursuit alors que la loi a été promulguée il y a un mois et demi. Lui évoque sans détour les autres résistants dans le monde – l’homme debout de la place Taksim à Istanbul mais aussi d’autres en Égypte – avant de concéder que leur combat n’a rien à voir.
Ce mouvement a un «impact sur la population» veut également croire Albert, veilleur parisien. Les touristes sont nombreux à s’arrêter, prendre des photos ou discuter avec les manifestants sans toujours comprendre leurs revendications.
A Vannes aussi, les veilleurs ne lâchent rien
Vannes figure parmi les villes de province où l’on recence des veilleurs bien décidés à ne rien lâcher sur la question du mariage pour tous. Lundi dernier, ils étaient ainsi une vingtaine, alignés, immobiles et en silence, devant la préfecture. Ils se sont relayés jusqu’à 22 h et ce, comme tous les soirs de la semaine. Depuis fin mars, tous les jeudis soir de 21 h à 22 h, les mêmes veilleurs se réunissent devant les remparts de Vannes. Des jeunes, et moins jeunes, des actifs après leur journée de travail, des retraités, et des mères de famille.