Les lois homophobes se multiplient sur le continent africain. Au Nigeria et en Ouganda, l’homosexualité est sévèrement réprimée. Mais c’est au Cameroun qu’il y a le plus d’homosexuels derrière les barreaux. Nos reporters Marc Perelman et Johan Bodin ont rencontré des militants réfugiés à Paris avant d’aller enquêter à Yaoundé.
En ce matin de décembre à Paris, la pluie est glacée et traversière. Devant le parvis des droits de l’Homme, place du Trocadéro, Arsène grelotte. Il entame son deuxième hiver dans l’Hexagone. Son Cameroun natal lui manque, sa douceur et ses amis. Du bout du doigt, il parcourt le récépissé de la préfecture et reprend à voix basse les mots imprimés. Il insiste sur « asile politique » : l’objet de sa demande officielle, restée depuis plus d’un an sans réponse. « Je suis homosexuel et militant », confesse-t-il. « J’ai décidé de quitter le Cameroun parce que cela devenait invivable », poursuit ce trentenaire. « Aujourd’hui, je suis en France pour ma sécurité, parce que si je retourne au Cameroun, soit je vais en prison, soit je vais être tué », lâche-t-il avec amertume.
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Car, dans son pays, être homosexuel est un délit passible de cinq ans de prison. Le 10 janvier, Jean-Claude Roger Mbede est décédé dans son village des suites d’une longue maladie. C’était un homosexuel bien connu. Il était en liberté provisoire après avoir passé plus d’un an sous les verrous. L’une de ses avocates, Saskia Ditisheim, affirme que sa famille « l’a privé de soins à cause de son orientation sexuelle et l’a laissé mourir pour laver l’opprobre jeté sur le clan ». Cette disparition ébranle un peu plus la communauté gay, déjà traumatisée par l’assassinat, il y a six mois, d’Éric Lembembe, un militant des droits des homosexuels décédé à son domicile dans des circonstances troubles.
Homophobie d’État ?
D’après Human Rights Watch, le Cameroun est le pays qui emprisonne le plus de gays en Afrique. « C’est même une homophobie d’État », accuse Alice Nkom, l’une des rares avocates à défendre les homosexuels.
« Procès d’intention ! », rétorque le ministre camerounais de la Communication, Issa Tchiroma Bakary ; lequel assure que « les homosexuels sont protégés et le gouvernement refuse qu’ils soient violentés ».
Pourtant, les témoignages que nous avons recueillis sur le terrain racontent une toute autre histoire. À la prison centrale de Yaoundé, des détenus homosexuels affirment être régulièrement la cible d’abus. « J’ai été violé trois fois », raconte « Ferdinand », détenu depuis 13 mois. « Je n’arrive plus à dormir. Même debout ». Ceux qui en sont sortis offrent des récits similaires. Tous ont peur d’y retourner, sur simple dénonciation d’un voisin.
Cédric, lui aussi, a connu la prison, les vexations quotidiennes et le rejet familial. Il pense aujourd’hui à l’exil. « Est-ce que j’ai encore un avenir dans ce pays ? », s’interroge-t-il. « C’est vrai que j’aimerais vivre dans un endroit où je ne suis pas obligé de me cacher. Mais si tout le monde part à l’étranger, qui fera évoluer les mentalités ici ? »
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