Alors que le droit d’asile est actuellement discuté à l’Assemblée nationale, la justice européenne vient de se pencher sur cette question complexe des réfugiés homosexuels. La haute juridiction a donné les critères sur lesquels les États-membres doivent s’appuyer pour accorder le statut de réfugié aux homosexuels persécutés dans leur pays d’origine.
Deux conditions préalables : une loi anti-homosexuels et de persécutions. Depuis un arrêt de la Cour de Justice de l’UE du 7 novembre 2013, les demandeurs d’asile peuvent désormais obtenir le statut de réfugié au sein de l’UE en tant qu’homosexuels. Les Etats européens doivent s’en tenir au respect de la charte des droits fondamentaux lorsqu’ils examinent la crédibilité d’un demandeur d’asilese disant persécuté en raison de son homosexualité, a par ailleurs décidé le 2 décembre la Cour européenne de l’UE. Trois hommes ayant demandé l’asile aux Pays-Bas au motif qu’ils craignaient d’être persécutés dans leurs pays d’origine en raison de leur homosexualité, et dont les demandes ont été rejetées, avaient saisi le Conseil d’Etat néerlandais. Le ministre compétent avait argué qu’il n’était pas tenu d’accepter inconditionnellement les allégations d’une personne se disant homosexuelle.
Le Conseil d’Etat néerlandais a à son tour demandé à la Cour de justice si le droit de l’UE limite l’action des Etats lors de l’évaluation de la crédibilité de l’orientation sexuelle d’un demandeur d’asile. Mais les modalités d’appréciation de ces déclarations doivent « être conformes au droit de l’Union et, notamment, aux droits fondamentaux garantis par la Charte tels que le droit au respect de la dignité humaine et le droit au respect de la vie privée et familiale », ajoute l’arrêt.
Pour la Cour de justice européenne, les demandeurs d’asile peuvent demander le statut de réfugié si l’homosexualité est condamnée par la loi dans leur pays d’origine. Et pour que l’on puisse parler de persécutions, ces lois doivent être appliquées régulièrement.
Une interprétation souple en France. Or, la France, elle, a une interprétation plus large de ces critères, nous explique Cécile Bouanchaud, en charge des questions justice sur Europe1.fr. Par exemple, en Albanie, il n’existe pas de lois condamnant l’homosexualité, mais les gays sont très régulièrement lynchés. Donc victimes de persécution. A ce titre, ils peuvent donc demander le droit d’asile en France.
Mais un entretien très encadré. Concrètement, comment vérifier ensuite que le demandeur d’asile est bien homosexuel ? En France, les demandeurs d’asile passent un entretien d’environ 1 heure. Et là encore, le Cour de justice européenne pose ses conditions, au nom du respect de la dignité humaine et de la vie privée.Les questions posées ne doivent pas reposer sur des stéréotypes – comme les goûts vestimentaires du demandeur d’asile, où le fait qu’il adopte une posture “féminine”.Les questions sur les pratiques sexuelles des demandeurs sont également proscrites.Les questions tournent donc davantage sur l’histoire etle ressenti des homosexuels sur les persécutions dont ils sont victimes, précise Cécile Bouanchaud. Les demandeurs doivent donc construire un récit cohérent et précis pour remporter “l’intime conviction” de l’instructeur qu’ils sont bien homosexuels.
Droit d’asile : comment prouver qu’on est bien… par Europe1fr
Or, de nombreuses associations, comme la Cimade ou l’Ardhis, demandent que les instructeurs chargés des interrogatoires soient mieux formés, notamment sur l’origine sociale et le passé du demandeur. Et pour cela, les associations réclament des entretiens plus longs. Une demande qui va dans le sens inverse du projet de loi du gouvernement sur le droit d’asile qui prévoit d’accélérer le traitement des demandes de droit d’asile.
Ce texte soumis au vote des députés le 16 décembre prochain mise sur une accélération des procédures pour désengorger le système et vise à ramener le délai d’examen des dossiers de demandes d’asile de deux ans actuellement à neuf mois en 2017. Les demandes ont quasiment doublé depuis 2007 pour atteindre 66.000 l’an dernier. Dans un contexte de crises internationales multiples, la France se situe au troisième rang des pays européens destinataires de demandes d’asile derrière l’Allemagne et la Suède, d’après l’Ofpra (L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides).
Réalisation : Maud Descamps
par Europe1fr