Joueur international de rugby, Gareth Thomas est une légende. Un héros national. Ancien capitaine du Pays de Galles, c’était l’un des plus redoutés sur les terrains… et dans les bars le soir, surjouant la virilité pour cacher « un lourd secret qui l’a emmené au bord du suicide » : son homosexualité. En 2009, à 35 ans, il devient le premier professionnel en sport collectif à faire « son coming out« . Avant cela, c’était une vie difficile où l’insulte « pédé » pouvait le rendre très agressif. Comment a réagi sa femme ou encore son entourage ?
Ce dimanche 6 septembre, interviewé par Thierry Demaizière pour Sept à Huit, à l’occasion de la parution de son autobiographie Fier, Gareth Thomas raconte son incroyable parcours et le combat intérieur qu’il a dû livrer dans ce milieu.
A quel âge avez-vous compris que vous étiez homosexuel ?
La première fois probablement à l’école, quand tous mes camarades commençaient à parler des filles. Aux alentours de 14, 15, 16 ans… Tout ce qui m’intéressait, c’était le rugby.
Et, je ne voulais pas être différent. Parce que je ne voulais pas que cette différence m’exclut de l’équipe. C’est un sport de macho, de contact… je suppose que c’est un sport plutôt érotique pour les homosexuels. Et, j’avais peur que si l’on découvrait que j’étais homosexuel, on ne retienne que ça et non plus mes aptitudes pour le rugby…
Vous avez donc vécu l’enfer à vouloir cacher votre homosexualité…
J’ai eu une vie remplie de trophées. J’ai joué pour les plus grandes équipes. Et en même temps, je cachais une partie de ma vie. J’ai même voulu me suicider, tellement j’avais honte de qui j’étais. Un double visage. Le rugbyman, dur et fort. Et, l’homme triste et seul, qui se cachait de tout.
Beaucoup de « blagues homophobes » dans les vestiaires…
J’essayais de ne pas réagir. Si quelqu’un jouait mal, s’il ratait une balle ou ne courait pas assez vite… les gars avaient l’habitude de le traiter de le « pédé ». Mais bon, je savais que les gars de mon équipe ne pensaient pas « à mal ». C’était une façon de parler.
Un supporter vous a traité de pédé depuis les tribunes…
Oui, je suis devenu fou… j’ai voulu lui démontrer le contraire. Et la seule manière que j’ai trouvé, c’était de réagir en macho… en le cognant… pour lui prouver que je n’étais pas « un pédé » comme il disait.
Sur le terrain, un joueur vous a aussi traité de « pédé ». Celui-là, vous l’avez d’ailleurs poursuivi toute votre carrière…
Encore une fois, comme pour le supporter dans les gradins… Sur le terrain, il aurait pu utiliser toutes les tactiques qu’il voulait, mais il ne pouvait utiliser quelque chose qui n’avait rien à voir avec mes capacités à jouer au rugby. Mais il l’a fait. Et à partir de là, j’ai tout fait pour lui rendre la vie plus atroce possible et lui prouver surtout que j’étais l’adversaire le plus dur qu’il ait jamais rencontré. Et, à chaque fois que j’ai joué contre lui, il a payé. Pendant des années… il a pris cher !
Le rugby « un sport de contact », les vestiaires… y’a des douches… Comment vous vous débrouillez avec VOS PULSIONS HOMOSEXUELLES et ce rapport très intime que vous aviez avec vos joueurs ? Aucune ambiguïté ?
Pourquoi ? Tous les hétéros se sautent dessus dès qu’ils sont à poil ?
Ce sport peut effectivement être assez sexy pour les homosexuels… mais pour moi le rugby, c’était ma profession ! Je n’ai jamais franchi cette frontière entre « activités » et « pulsions ». Mes coéquipiers c’était ma famille. Des frères. Il n’y a pas d’attraction sexuelle !
Une double vie : homosexuel mais vous avez aimé et épousé une femme. Une couverture ?
C’était une couverture. Et après plusieurs années de vie ensemble, j’ai réalisé à quel point c’était une personne magnifique. Elle m’a beaucoup apporté. J’avais de l’amour pour elle. J’ai voulu être avec, continuer avec elle.
Une triple vie alors ?
J’ai eu mes premières expériences à Londres. J’ai vu comment les gens pouvaient vivre leur sexualité… librement. Mais j’ai aussi constaté la tristesse. La solitude de tous ces êtres qui vivaient la même chose que moi. Ces gens qui vont dans des bars pour assumer leurs pulsions sexuelles et qui retournent ensuite à leur vie familiale, et professionnelle.
L’honnêteté est une valeur pour moi qui définit l’être humain. Et je ne pouvais pas être ni vivre une vie en changeant sans cesse de visage. C’était devenu trop fatiguant. J’étais arrivé à ce point où je ne pouvais plus continuer à fuir.
Une légende qui fait son coming out ?
Je ne pouvais pas mentir plus longtemps. Comment dire à sa femme qui est l’être que vous aimez le plus au monde, que vous êtes gay !? On essaie, on essaie… tu l’as même épousée. Tu as tenté d’avoir des enfants. Comment lui expliquer ?
Un jour je l’ai appelée pour lui dire que j’avais quelque chose à lui annoncer. Et, je lui ai dit que j’étais gay ! Elle a fondu en larmes. Me demandant de répéter encore et encore. Ça lui paraissait inimaginable.
Votre femme a depuis refait sa vie et vous a remercié publiquement de lui avoir révélé votre homosexualité jeune : elle a refait sa vie.
Je ne suis pas fier de ce que je lui ai fait. Mais elle ne m’en a pas voulu, même si j’ai brisé son cœur. Elle était très heureuse que je puisse suivre mon chemin… et surtout, qu’elle puisse suivre le sien !
Pour voir la suite…
[spacer]
[spacer]
« Voici l’histoire d’un homme qui portait un secret si lourd qu’il le tuait à petit feu. Un secret qui aurait pu dévaster non seulement sa vie, mais aussi sa famille, ses amis, ses coéquipiers. Son seul refuge contre la souffrance et la culpabilité du mensonge était le terrain de rugby, où il excellait. Mais le succès ne le soulageait pas de son fardeau : cacher aux yeux du monde qui il était vraiment. Un calvaire qui a pris fin le jour où il révéla publiquement son homosexualité et devint ainsi l’athlète le plus célèbre au monde à faire son coming out. »
[spacer]
@stop_homophobie