C’est probablement la dernière ligne droite d’un long combat pour l’égalité. La Cour suprême des États-Unis a tenu mardi 28 avril une audience exceptionnelle de deux heures et demie pour recevoir les défenseurs et les opposants à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe dans la totalité du pays.
Deux ans après avoir fait un premier pas en avant en reconnaissant ces unions — légales pour le moment dans 37 États sur 50 – au niveau fédéral, la plus haute juridiction du pays devrait effectivement décider d’ici fin juin 2015 d’imposer – ou non – aux 13 régions récalcitrantes de les reconnaître, voire de les célébrer.
L’enjeu est donc historique et les politiques l’ont bien compris. Pour preuve, Hillary Clinton a notamment changé ses photos de profil sur Twitter et Facebook pour afficher fièrement son soutien à la cause. Fini le « H » bleu et rouge, gentiment moqué et parodié lorsqu’il avait été dévoilé, la candidate star à la présidentielle de 2016 vient d’adopter un logo aux couleurs de l’arc-en-ciel.
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Normal pour une démocrate ? Pas tant que ça : il y a à peine quelques années, l’ancienne secrétaire d’État répétait sans problème… qu' »un mariage est une union sacrée entre un homme et une femme »…
En 1999, alors qu’elle présente sa candidature pour obtenir un siège au Sénat, Hillary Clinton n’a peur de rien et va à l’encontre de l’opinion américaine en soutenant la création d’unions civiles pour les couples gay. À l’époque, il n’est pas même pas question de parler de mariage que 60% de la population rejette.
En 2000, Clinton va plus loin et explique sans détour que, selon elle, le « mariage a des racines morales, religieuses et historiques » et qu’un mariage doit rester « tel qu’il a toujours été, c’est-à-dire entre un homme et une femme ». La majorité de l’électorat ne trouve rien à redire mais c’est la douche froide pour ses nombreux soutiens LGBT.
Jusqu’en 2006, la femme politique continue ainsi et répète que les couples de même sexe devraient pouvoir bénéficier des mêmes droits mais que le « mariage » doit garder sa « signification historique ». Et puis, à la veille de son entrée en campagne présidentielle où elle affrontera Obama, son discours varie un peu.
« Je suis cohérente. Je pense que chaque État doit prendre la décision », assure-t-elle alors en précisant qu’elle ne soutient toujours pas l’ouverture du mariage mais ne s’y opposera pas si l’État de New York, dont elle est maintenant la sénatrice, vote pour. Pas si « cohérente » car en 2002 elle affirmait pourtant que New York ne devait pas reconnaître ces mariages.
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A partir de 2″ dans la vidéo :
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Vers un début d’ouverture tout de même? Pas vraiment. Hillary Clinton commet une grosse erreur pendant la campagne en 2007 quand on lui demande si elle considère « l’homosexualité comme immorale » et qu’elle botte en touche. Une avalanche instantanée de critiques lui fait rapidement publier un communiqué pour assurer qu’elle « n’est pas d’accord avec ce genre de propos et qu’elle ne partage en rien ce type de position ».
En participant la même année à l’émission d’Ellen DeGeneres, comédienne et animatrice célèbre pour avoir fait son coming out à la télévision, Hillary Clinton veut soigner son image gay friendly mais n’en démord pas: elle « soutient fortement les unions civiles avec égalité totale des droits », mais pas le mariage, et laisse libre choix aux États d’avoir le dernier mot.
2011. New York vote en faveur de l’ouverture du mariage aux couples gay et Clinton semble avoir comme un trou de mémoire en se disant ravie, en saluant un « vote historique » et se rappelant avoir « toujours cru que nous ferions avancer les choses parce que nous sommes du bon côté de l’égalité et de la justice ». Mais pas un mot pour dire explicitement qu’elle a changé d’avis sur la question.
Il faudra au final attendre 2013 pour qu’elle rejoigne la vague de soutien qui a déferlé sur l’Amérique. « Nos collègues, nos professeurs, nos soldats, nos amis, nos proches sont homosexuels, bisexuels ou transsexuels. Et ce sont des citoyens à part entière et méritent d’être égaux en droits, y compris en ce qui concerne le mariage », peut-on la voir déclarer dans une vidéo tournée pour le groupe militant HCR.
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Hillary Clinton a-t-elle retourné sa veste au dernier instant en voyant les sondages de plus en plus favorables à l’égalité totale entre couples homosexuels et hétérosexuels? La journaliste de NPR Terry Gross le lui demande très clairement lors d’une interview particulièrement animée en 2014.
« Vous essayez de dire que j’ai fait ça pour des raisons politiques. C’est complètement faux. Comme tous les Américains, j’ai évolué sur le sujet. Vous savez, Terry, il faut bien qu’il y ait des pionniers mais ça ne veut pas dire que ceux qui rejoignent le mouvement plus tard, en public ou en privé, sont moins engagés pour autant. Heureusement que nous sommes nombreux à avoir changé d’avis. »
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Every loving couple & family deserves to be recognized & treated equally under the law across our nation. #LoveMustWin #LoveCantWait –H
— Hillary Clinton (@HillaryClinton) 28 Avril 2015
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Toujours est-il que ce changement arrive bien tard. Les soutiens à l’ouverture du mariage sont plus nombreux que ces opposants depuis 2011 dans le pays et Obama, même s’il avait soigneusement évité de se prononcer lors de sa première campagne présidentielle en 2007/2008, a déclaré son soutien dans un média local en 1996 et a été acclamé en 2012 quand il a ouvertement pris position sur la chaîne ABC.
Aujourd’hui, Hillary Clinton a du retard à rattraper et un passé à se faire pardonner. Pour ce faire, elle ne lésine donc pas sur les moyens: avant de colorer en arc-en-ciel ses profils sur les réseaux sociaux ce mardi pour prouver qu’elle « espère que la Cour suprême se rangera aux côtés des couples de même sexe pour leur garantir ce droit constitutionnel », la candidate à la présidentielle avait notamment donné la parole à un couple d’homme sur le point de se marier et montré deux femmes en couple dans son tout premier clip de campagne pour 2016.
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Le HuffPost | Par Maxime Bourdeau