VIDEOS – Homosexualité en Tunisie: « Le rôle de la famille pour déterminer l’identité sexuelle de l’individu »…

Une conférence sur le thème de « L’homosexualité: le rôle de la famille pour déterminer l’identité sexuelle de l’individu » organisée au ministère tunisien des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle? Non, vous ne rêvez pas!

Sous un gouvernement dirigé par les islamistes et un ministre, Samir Dilou, qui avait déclaré que l’homosexualité était une perversion nécessitant un traitement médical, cela pourrait surprendre. Tout dépend de l’orientation du débat..

Organisée par une association estudiantine, le « Club Campanella de la Psychologie », représentée par Chaïma Trabelsi, et « Le Centre Doctor sexology » du sexologue Hisham Sharif, la table ronde débute mal. Les organisateurs reçoivent en effet un flot de critiques en raison du choix du titre de l’évènement, qui annonce déjà la couleur.

Hisham Sharif tente de se défendre, se présente comme le premier sexologue tunisien et rejette toute accusation d’homophobie. « Je défends la liberté sexuelle », affirme-t-il.

« Il est vrai que le titre prête à équivoque, mais il ne s’agit pas d’une conférence sur l’homosexualité », soutient pour sa part Chaïma Trabelsi. Ce sera pourtant le fil rouge des différentes prises de parole.

Les anomalies génétiques et l’éducation dans la détermination du « sexe » de l’enfant

Moez Cherif, chirurgien pédiatre et président de l’Association tunisienne de défense des droits de l’enfant, tentera d’expliquer les interactions entre différents facteurs déterminant le « sexe » (ressenti) de l’individu. Ainsi, selon lui, des facteurs géniques, hormonaux, toxiques, infectieux, environnementaux ou éducationnels sont autant de paramètres à prendre en compte dans l’orientation du « sexe » social de l’enfant.

En prenant des exemples d’anomalies sexuelles résultant d’une ambigüité dans la détermination des organes génitaux et donc du sexe de l’enfant, M. Cherif affirme que les individus ne naissent pas naturellement « fille » ou « garçon » mais que cette orientation sera arrêtée par l’interaction des facteurs suscités.

« On peut avoir une éducation qui va contre la constitution génétique et parfois même contre les organes internes d’une personne », déclare-t-il. Le médecin s’attardera ainsi sur le facteur éducationnel, indiquant qu’il revêt une importance capitale: « Par exemple, quand une femme veut une fille et qu’elle donne naissance à un garçon, elle pourrait avoir tendance à lui donner des qualificatifs et des surnoms féminins, lui mettre des rubans, etc., cela aura des répercussions plus tard ».

Il ne s’agit pas de culpabiliser qui que ce soit, le but est de comprendre avant d’accuser. Ceux qui auront compris que l’individu n’est pas responsable d’une orientation sexuelle qui dépend de nombreux facteurs, sauront qu’il n’y a personne à accuser. Mais s’il y a quelque chose à corriger, c’est nous-mêmes. On doit tous apprendre à s’accepter les uns les autres comme on est », conclut-il.

Pour autant, tous n’auront pas « compris » le message et le président de l’Association de défense des droits de l’enfant laissera planer le doute sur le message qu’il a réellement voulu faire passer.

Dans une déclaration au HuffPost Maghreb, Moez Cherif se défend de vouloir imposer certaines « normes ». Il affirme que ces codes déterminant l’identité sexuelle d’un homme ou d’une femmes existent de fait et que l’enfant devrait avoir la possibilité de choisir ce qu’il souhaite devenir.

Un psychologue et un sexologue à la rescousse

Le « Doctor sexology », Hisham Sharif, prend à son tour la parole. Il explique que l’orientation sexuelle d’un individu peut provenir d’un traumatisme d’enfance.

« Les cause de l’homosexualité sont nombreuses. Parmi elles, la famille joue un rôle central. Par exemple la violence d’un père à l’encontre de son fils peut être un facteur expliquant ce type d’orientation », soutient-il.

Le sexologue poursuit son allocution en prenant l’exemple d’enfants violés par des adultes qui deviendraient, à la suite de cette « expérience », plus enclins à avoir des relations homosexuelles en raison, ose-t-il affirmer, du plaisir qu’ils auraient ressenti pendant le viol. « Le plaisir de la sexualité peut survenir très tôt chez l’enfant », assène M. Sharif, provoquant l’indignation d’une partie des participants à la table ronde.

Dans un court-métrage diffusé pendant la conférence, Noureddine Ayadi, psychologue, abonde dans son sens. Selon lui, l’homosexualité masculine ou féminine trouve ses racines dans la première expérience de désir ou de plaisir sexuel vécus par l’enfant ou l’adolescent. « La première occasion qu’il ou elle a eue de ressentir un désir sexuel doit être avec une personne du même sexe », selon le psychologue.

Samir Dilou: Nous avons refusé de dépénaliser l’homosexualité

Toujours dans la condamnation de ce qui est considéré comme un phénomène à « combattre », Samir Dilou, ministre des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle, intervient dans le court-métrage pour donner son avis sur l’éventualité d’une reconnaissance légale de l’homosexualité.

« Nous vivons dans un pays avec des lois, une Histoire, des traditions et une religion. La loi tunisienne criminalise les relations homosexuelles, avec l’article 230 du Code pénal. Pour autant, il n’y a aucune discrimination entre les citoyens sur la base de leurs pratiques personnelles », déclare M. Dilou.

La légalisation du mariage homosexuel ne peut être reproduite dans un pays arabo-musulman, poursuit le ministre. Il indique par ailleurs que les deux recommandations adressées à la Tunisie par le Conseil des droits de l’Homme de Genève n’ont pas trouvé un écho positif. La première, relative à la dépénalisation de l’homosexualité par la suppression de l’article 230 « a été refusée ». La deuxième, concernant la non-discrimination sur la base des orientations sexuelles, rejetée sur la forme, car non pertinente et sans fondement.

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Le point de vue du religieux: Il faut immuniser les jeunes contre ce fléau

L’Imam Fethi Rabbaî interviendra à la fin du court-métrage pour donner son point de vue sur les relations homosexuelles. « Suspectes », « contre-nature », « illicites », il insistera sur l’aspect immoral et inacceptable de « ce fléau » contre lequel il est primordial « d’immuniser les jeunes ».

« Je demande à Dieu tout-puissant de préserver nos jeunes de ce phénomène contre-nature et contraire à notre civilisation, à notre morale et à notre religion », conclut-il.

Le court-métrage s’achève sur une mise en garde contre les « dangers » de l’homosexualité et les menaces qui pèsent sur « notre société » visant à normaliser ce « phénomène » en important le modèle des sociétés occidentales.

 

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Réactions

« Nous avons voulu être neutres dans ce film, malgré le fait que personnellement je sois contre l’homosexualité », a commenté Jihad Hmani, une des réalisatrices du court-métrage.

 

« C’est de la perversion. Le sexologue ne sait pas faire la différence entre un viol et un fantasme », s’indigne Imen Kitar, étudiante en psychologie, à la sortie de la table ronde. « On ne choisit pas d’être homosexuel et l’orientation sexuelle n’est pas à mettre sur le même plan que les déviances sexuelles », ajoute-t-elle.

Chaïma Trabelsi, organisatrice de l’évènement n’est pas non plus ravie. « Je ne m’attendais pas à cela… Nous avions invité d’autres personnes qui ne sont pas venues et puis je n’avais plus le contrôle du débat », déplore-t-elle. Pourquoi une conférence au sein du ministère des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle? « Ce sont les seuls qui nous ont acceptés », assure la jeune fille.

Jihad Hmani tente quant à elle de se justifier devant une assemblée hostile: « J’ai moi-même une amie lesbienne et je voudrais qu’elle puisse devenir normale pour ne plus subir le poids de la société », avant de se rétracter: « Mais bien sûr elle est libre de faire ce qu’elle veut ».

HuffPost Maghreb  |  Par Monia Ben Hamadi