Alors qu’une réunion de haut niveau consacrée à la fin du sida dans le monde s’est ouvert ce mercredi 8 juin au siège des Nations Unies à New York, les Etats s’apprêtent à adopter un texte final très préjudiciable aux populations les plus vulnérables à l’épidémie. Pour des organisations non gouvernementales, ce « texte doit être modifié ». Dans un communiqué, AIDES et Coalition PLUS ont ainsi appelé « la France à briser le silence au sein des Nations Unies pour proposer un ultime amendement ».
Dans la dynamique actuelle de l’épidémie, les personnes les plus exposées au VIH sont les travailleuses et travailleurs du sexe, les hommes ayant des relations avec les hommes et les personnes injectrices de drogues. « En raison des discriminations voire de la criminalisation qu’elles subissent, ces personnes sont dix à vingt-quatre fois plus susceptibles d’être infectées par le VIH que la population générale », notent les deux ONG. « Elles ont, en effet, moins facilement accès à la prévention et aux soins lorsque leurs pratiques sexuelles ou d’usage de drogue sont condamnées par la société, voire par l’Etat ».
« Selon les termes de référence des Nations Unies, ce sont des populations dites « clés » dans l’épidémie. C’est à l’intention de ces populations que la riposte mondiale doit redoubler d’efforts. Mais c’est tout l’inverse qui est en train de se passer ».
En effet, le terme de « populations clés » est quasi absent du texte final que les Etats sont sur le point d’adopter : seulement deux mentions dans un texte d’une vingtaine de pages. « Pire : les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, pourtant vingt fois plus exposés au VIH que la population générale, n’apparaissent qu’une seule fois dans le texte », dénoncent les associations. Les rares mentions des populations clés sont accolées à un vocabulaire déshumanisant et stigmatisant, qui laisse la porte ouverte à des pratiques telles que le dépistage forcé ou encore l’enfermement de ces personnes « présumées » séropositives.
Cette réunion de haut niveau semblait déjà mal engagée depuis que vingt-deux organisations non gouvernementales majoritairement LGBT n’avaient pas eu l’autorisation d’y participer, sous la pression notamment de la Russie, de l’Organisation de la coopération islamique, du Cameroun et de la Tanzanie. « Aujourd’hui, elle risque de tourner au fiasco le plus total. L’exclusion des associations LGBT de la réunion avait suscité des réactions indignées de nombreux Etats dont la France : notre pays sera-t-il prêt à briser le silence dans les négociations pour les défendre ? »
AIDES et Coalition PLUS ont appelé la « France à prolonger les négociations ». « Selon la procédure extraordinaire propre aux Nations Unies, il suffit qu’un seul Etat brise le silence pour que le texte soit à nouveau ouvert à des amendements. La France a tous les moyens pour le faire. Il y a cinq ans, elle avait joué un rôle déterminant dans l’élaboration de la stratégie. C’est par son volontarisme diplomatique que les populations clés avaient été placées au cœur de la riposte », rappellent les deux associations.
Sans une meilleure prise en compte des populations clés dans la stratégie mondiale contre le sida, l’accès de ces populations aux financements internationaux risque d’être fragilisé, et éradiquer l’épidémie restera un rêve que jamais l’humanité ne pourra concrétiser. Pourtant, c’est maintenant que nous avons l’opportunité de mettre fin au sida. « La France a toujours fait preuve d’un volontarisme hors pair pour assurer que les groupes clés sont au cœur de la lutte mondiale contre le sida. Si elle ne brise pas le silence dans les heures qui viennent, toutes les avances pour lesquelles elles s’étaient battues en 2011 seront perdues. Les populations cibles et les associations qui se battent à leur côté doivent être soutenues face à l’épidémie », a alerté Aurélien Beaucamp, président de AIDES.
Pour mémoire, près de 36,7 millions de personnes sont atteintes du sida dans le monde, pour la plupart en Afrique subsaharienne. Dix-sept millions de malades ont accès aux médicaments antirétroviraux mais la conférence onusienne veut développer le traitement et la prévention avec pour objectif de mettre fin à l’épidémie d’ici à 2030.