Dépister les 30.000 personnes ignorant qu’elles sont porteuses du virus du sida et donner des traitements antirétroviraux à tous les séropositifs permettrait d’endiguer l’épidémie de sida qui donne lieu à plus de 6.000 nouvelles contaminations chaque année en France, selon un rapport d’experts publié mercredi.
Le traitement de toutes les personnes séropositives, quel que soit leur niveau de défense immunitaire, constitue la principale nouveauté de ce rapport, qui actualise les dernières recommandations de prise en charge des personnes vivant avec le VIH qui remontaient à 2010.
« Les Etats-Unis l’ont mis en place au début de l’année, mais nous sommes les premiers à le préconiser en Europe » souligne le Pr Philippe Morlat, infectiologue au CHU de Bordeaux, qui a coordonné les travaux du groupe d’experts sous l’égide du Conseil national du sida (CNS) et de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS).
Quelque 150.000 personnes vivent actuellement avec le VIH en France dont seulement 90.000 sont traitées par des médicaments antirétroviraux sur les 110.000 prises en charge, tandis que 30.000 ignorent leur séropositivité et que près de 10.000 la connaissent mais ne sont pas suivies médicalement.
Conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le traitement antirétroviral est pour l’instant réservé en France aux séropositifs ayant un niveau de CD4 – des globules blancs marqueurs de l’immunité – inférieur à 500 cellules/mm3 de sang.
La nouvelle recommandation, souligne le Pr Morlat, s’appuie sur l’amélioration du bénéfice-risque des trithérapies et sur des études cliniques récentes qui ont montré l’intérêt du traitement précoce pour limiter la transmission du VIH dans la population et pour réduire les maladies et la mortalité associées. Une épidémie silencieuse
Le rapport s’intéresse également à l’épidémie « silencieuse » qui serait responsable de 60% des nouvelles contaminations que les experts évaluent entre 7.000 et 8.000 par an, alors que l’Institut de veille sanitaire (InVS) faisait état de 6.100 nouvelles contaminations en 2011.
Parmi les 30.000 personnes qui ignorent leur séropositivité figurent un tiers d’hétérosexuels, un tiers d’hommes ayant des relations avec des hommes (HSH) et un tiers d’immigrés venus principalement d’Afrique subsaharienne, note le rapport. Pour les dépister plus facilement, les 21 experts et les deux représentants du monde associatif sollicités par le Pr Morlat préconisent un ciblage des populations les plus à risque mais également des personnes qui n’ont pas fait de test de dépistage récent, invitées à faire un test « chaque fois que l’occasion se présente », par exemple lors d’une visite chez un médecin généraliste.
Le rapport préconise notamment de développer les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) – qui permettent de déceler le virus en quelques minutes à partir d’une goutte de sang prélevée au niveau du doigt – et de préparer l’arrivée sur le marché des autotests, basés sur des échantillons de salive et déjà commercialisés aux Etats-Unis.
Parmi les autres recommandations figure la mise en place de centres spécialisés pédiatriques pour les quelque 50 à 100 enfants de moins de 13 ans diagnostiqués VIH + chaque année en France. Viennent s’ajouter une centaine d’adolescents infectés chaque année par voie sexuelle. Les experts passent aussi en revue tous les aspects de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH allant de la prévention – dans laquelle le préservatif reste « l’outil de référence » – à la prise en charge des maladies souvent associées au VIH, comme les hépatites B et C, les infections sexuellement transmissibles ou certains cancers (poumon, foie, canal anal et maladie de Hodgkin).
Les séropositifs ont également plus de risques d’avoir des maladies cardiovasculaires « notamment parce qu’ils fument plus que le reste de la population », relève le Pr Morlat. Grâce à l’efficacité des traitements, « le sida est aujourd’hui devenu une maladie chronique » ajoute l’infectiologue, mais l’accompagnement des séropositifs sur le plan social et professionnel doit être amélioré, en luttant notamment contre « la stigmatisation et la discrimination ».
> Aides satisfaite du rapport
« Nous attendions beaucoup du nouveau rapport d’experts sur la prise en charge des personnes séropositives et nous en sommes globalement satisfaits, a réagi l’association Aides. Il marque de nets progrès sur l’offre de prévention et de santé sexuelle et l’accès aux droits des populations vulnérables.
Aides en souligne « les points forts », selon elle : la mise en place d’une offre de santé sexuelle et l’importance du dépistage ciblé, mais aussi l’importance d’une prévention ciblée à l’égard des différents publics nécessitant des « messages clairs et adaptés ».
Et enfin, la proposition de traitement à toutes les personnes séropositives.
(Source AFP)