L’Agence nationale de recherche contre le sida confirme que la prise de Truvada au moment d’un rapport à risque réduit significativement le risque d’infection.
On le sentait, on le devinait, la confirmation est venue, ce matin éclatante. L’Agence nationale de recherche contre le sida a rendu public un communiqué, affirmant «l’efficacité de la prise d’un médicament dans la prévention du sida». Ce médicament, en l’occurrence le Truvada, pris au moment des rapports sexuels, réduit ainsi efficacement le risque d’infection.
En France, ce sont plus de 6 000 personnes qui découvrent chaque année leur séropositivité pour le VIH. La question est d’importance : comment améliorer les outils de prévention ? Comment développer de nouveaux outils, en particulier pour les groupes les plus exposés au risque d’être infectés lors de rapports sexuels ? C’est le cas des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) qui représentent, aujourd’hui, 42 % des nouveaux cas.
Bien sûr, il y a le préservatif, incontournable. Mais voilà, il n’est pas toujours utilisé. On peut s’en plaindre, mais c’est ainsi. Plusieurs équipes de recherche dans le monde se sont lancées depuis quelques années sur une piste, alors originale : réduire le risque d’infection par le VIH en utilisant des antirétroviraux, avant une prise de risque. Différents essais se sont mis en place, conduisant tous à noter une probabilité de contamination plus faible pour une personne ayant absorbé juste avant une prise de risque un médicament antisida. Mais encore fallait-il le formaliser.
Prophylaxie «à la demande»
En France, a donc été conçu l’essai Ipergay, qui se distinguait des autres essais par une offre de prophylaxie «à la demande», uniquement au moment de l’exposition aux risques. En clair, la personne prenait un comprimé, juste avant. Coordonné par le Pr Jean-Michel Molina (hôpital Saint-Louis à Paris), cet essai a visé des HSH très exposés au VIH. Les participants ont été répartis par tirage au sort dans deux groupes : l’un reçoit du Truvada, l’autre son placebo. Les comprimés sont pris au moment des rapports sexuels.
Mené actuellement chez plus de 400 volontaires en France, cet essai vient brutalement de s’arrêter. La raison ? L’ANRS a saisi en urgence le comité indépendant de son essai ; celui-ci a examiné les données de l’essai en «levant l’aveugle», c’est-à-dire qu’il a pris connaissance des données sur l’incidence (nombre de nouveaux cas) de l’infection par le VIH dans les deux groupes de participants. Le comité a alors constaté «une différence d’incidence significative entre les deux groupes avec une réduction très importante du risque d’infection par le VIH». Et il a aussitôt recommandé que tous les participants de l’essai puissent bénéficier du Truvada.
«Le préservatif reste la pierre angulaire de la prévention»
Un résultat limpide, avec un taux de réduction de risque de plus de 80%. «Le concept de prophylaxie biomédicale au moment de l’exposition au risque d’infection par le VIH, dans un cadre d’offre élargie de prévention, est validé», a réagi, ce matin, Jean-Michel Molina. Précisant, néanmoins : «L’efficacité observée ne doit néanmoins pas faire oublier que le préservatif reste la pierre angulaire de la prévention, et c’est en additionnant tous les outils de prévention qui auront fait leur preuve que nous serons en mesure de contrôler efficacement l’épidémie du VIH-sida». Quant à Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS, il a qualifié cette annonce «d’avancée majeure dans la lutte contre le VIH».