Paris — Quelque 1.500 jeunes de moins de 15 ans vivent en France avec le VIH ou virus du sida, une épreuve exacerbée au moment de l’adolescence, lorsqu’aux interrogations sur la sexualité s’ajoute le rejet des autres.
« L’annonce est un moment difficile à vivre, surtout lorsqu’on découvre par la même occasion une vérité familiale jusque-là cachée, comme le décès de sa propre mère du sida ou le fait qu’on a été adopté », relève Cyrille Moulin, éducateur et responsable du pôle Famille et adolescents à l’association « Dessine moi un mouton », qui accompagne les familles touchées par le VIH.
En quelques années, les traitements antirétroviraux ont complètement changé la donne: le risque de mourir du sida en France est aujourd’hui quasi nul, souligne le Dr Pierre Frange, pédiatre et chercheur à l’hôpital Necker-Enfants malades, à Paris, à quelques jours de la Journée mondiale contre le sida, le 1er décembre.
Le risque de transmission du VIH de la mère à l’enfant – de l’ordre de 20% dans les années 80 -, s’est pour sa part effondré à moins de 0,5% dans les années 2000 grâce à l’administration systématique de médicaments antirétroviraux aux femmes enceintes séropositives, selon le médecin qui suit environ 200 des 1.500 enfants vivant avec le VIH en France. Le nombre des séropositifs adultes est pour sa part estimé à environ 150.000.
Malgré le dépistage systématique du VIH proposé en début de grossesse, 10 à 15 bébés naissent encore séropositifs chaque année en France, précise-t-il. Leurs mères vivent généralement dans des situations très précaires; 13% d’entre elles n’avaient jamais fait de dépistage du VIH, d’autres ont été contaminées pendant leur grossesse.
A ces nourrissons viennent s’ajouter entre 50 et 100 enfants de moins de 13 ans diagnostiqués chaque année et originaires de pays fortement touchés par le sida, principalement d’Afrique sub-saharienne, tandis qu’une centaine d’adolescents sont infectés chaque année par voie sexuelle.
Les régions les plus touchées sont la région parisienne, le Sud-Est et la Guyane.
Un traitement chaque jour et à vie
Pris en charge à 100% par l’Assurance maladie, les enfants et adolescents traités vont « globalement bien », même si le Dr Frange déplore un taux d’échec thérapeutique – c’est-à-dire que le virus du sida est à nouveau détectable dans le sang – deux fois supérieur à celui des adultes en raison d’une prise trop irrégulière des antirétroviraux.
« Comme les pédiatres le savent bien, prendre un traitement chaque jour et à vie c’est compliqué pour un adolescent, surtout s’il n’a pas été bien préparé avant », explique-t-il.
Pour éviter toute stigmatisation, il conseille une première annonce « partielle, sans nommer ni le virus ni la maladie » vers l’âge de 7-8 ans, suivie d’une annonce « complète » au début du collège (11-12 ans).
Mais pour l’adolescent qui reçoit l’information, la difficulté ne s’arrête pas là: « une annonce ce n’est pas uniquement dire ce qu’on a. C’est pouvoir l’expliquer et rassurer l’autre, sinon il ne fait que renvoyer son propre traumatisme » souligne M. Moulin.
Le Dr Frange précise que certains adolescents se murent dans le silence, par crainte d’être rejetés par leurs copains, mais également en raison des réticences de certaines institutions à leur égard. Il cite le cas de certains centres de loisirs qui rechignent à accueillir « des enfants séropositifs qui font peur ».
Dans un rapport présenté en septembre, un groupe d’experts dirigé par le Pr Philippe Morlat préconise d’informer régulièrement l’adolescent sur les moyens de prévention contre le VIH, la sexualité et la conception des enfants tout en préparant son accueil dans un service hospitalier adulte.
Les experts recommandent également le recours à des traitements antirétroviraux mieux tolérés et adaptés aux enfants et aux adolescents, tout en insistant sur la nécessité de les démarrer « sans délai ».
De Elisabeth ZINGG (AFP)