Francis Carrier, fondateur et président de « GreyPRIDE », qui milite pour la visibilité des personnes LGBT+ vieillissantes et de leurs besoins, a publié une tribune pour nous rappeler a notre manque d’empathie envers les seniors, « progressivement rejetés en marge de la société ». L’association a également interpellé les candidat-e-s à l’élection présidentielle sur leurs décisions concernant « la filière gérontologique ».
La reconnaissance et l’acquisition de nouveaux droits sociaux et sociétaux rendent désormais cette réalité plus visible, comme le souligne le militant. « La majeure partie des personnes LGBT+ âgées de 50 ans et plus ont connu un parcours de vie marqué par la dévalorisation de leur orientation sexuelle ou l’interdit de leur identité de genre. » Mais si l’acceptation de l’homosexualité semble progresser dans les sociétés les plus libérales, la stigmatisation et la discrimination demeurent, comme « les vulnérabilités spécifiques au vieillissement des personnes LGBT+ sont nombreuses en termes d’habitat, de maladie, d’accès aux soins de santé, de précarité, de perte d’emploi, d’exclusion, de protection juridique, de reconnaissance de leur identité. »
Notre société associe ainsi à la vieillesse « une succession d’amputations » explique-t-il : « La perte du désir dans le regard de l’autre parce que notre corps vieillit, la perte de l’utilité sociale lorsque on quitte son travail, la perte de notre statut de majeur, on devient progressivement un mineur que l’on doit protéger, même contre lui-même, enfin la perte de notre humanité lorsqu’on devient un objet de soin… et même après notre mort, le rejet de notre corps, puisque l’interdiction de soins post-mortem aux personnes séropositives est toujours d’actualité.
Pourtant, si nous ne nous approprions pas le rôle d’usager pour être acteur et actrice des décisions concernant la prise en compte de la vieillesse dans notre société, nous laissons aux autres la faculté de choisir pour nous. Organiser le « Mieux vieillir », c’est participer aux décisions concernant les évolutions nécessaires, c’est suivre les innovations et veiller à ce qu’elles soient proposées au plus grand nombre, c’est évaluer les services et les établissements, c’est veiller à ce que tous les seniors puissent vivre dignement et conserver une bonne qualité de vie », en prenant en compte leur identité culturelle, leur orientation sexuelle, leur identité de genre « pour que la vieillesse ne soit pas un lieu d’exclusion ou de violence. »
« Je milite pour que la tendresse, la sensualité, la sexualité des personnes âgées puisse librement s’exprimer et ne soit pas vu comme une perversion ou des actes inappropriés et que le respect de l’intimité des personnes âgées soit la règle.
Pour que les appartements-autonomie pour seniors soient des lieux « affinitaires », accueillant des personnes qui ont envie de vivre ensemble ; en général c’est la disponibilité d’une place qui décide de l’entrée dans un établissement et non pas le choix de la personne.
Pour que le maintien à domicile, formule plébiscitée, se fasse dans des conditions de coordination de tous les intervenants médicaux, sanitaires, sociaux (EHPAD hors les murs ou conciergerie des services au domicile).
Qu’une formation de tous les intervenants salariés et bénévoles soit réalisée pour faire comprendre que la sexualité, la tendresse est une composante de notre humanité, de notre histoire, quel que soit notre âge, pour que les spécificités des seniors LGBT soient prises en compte et que les personnes séropositives soient prises en charge sans discrimination.
Que le personnel de l’aide à domicile et les personnes travaillant dans les différents établissements voient une revalorisation de leur statut et de leur salaire et que ce secteur ne soit pas une impasse professionnelle.
Que l’accès aux prothèses auditives, optiques et dentaires ainsi que leur suivi dans le temps, soit généralisé pour permettre à chacun de conserver un maximum d’autonomie.
Enfin, que les soins soient proposés avec la juste insistance médicale dans l’écoute des souhaits de chacun.
Tous les décideurs doivent comprendre que ce ne sont pas les règlements, les normes, les principes de précaution qui permettent de garantir la qualité de vie des personnes : il faut les aimer et simplement les écouter. »
Francis Carrier fait partie de « la génération » qui depuis 68 a combattu pour la dépénalisation de l’homosexualité et la fin de l’inscription comme maladie mentale à l’OMS. Pour que les personnes atteintes par le VIH ne soient pas rejetées ou encore pour que la société puisse accepter des personnes séropositives et leur permette d’avoir un projet de vie. Ces combats, c’est son ADN, dit-il, évoquant le dernier : celui de sa propre vieillesse.
« Je souhaite vieillir sans crainte de raconter mon histoire, en disant qui je suis, dans un environnement bienveillant et je voudrais que mes choix soient entendus et respectés jusqu’au dernier jour de ma vie. Pas vous ? »
Dans cet espoir que le prochain président engage des politiques sociales et de lutte contre les discriminations, répondant au plus près des besoins de nos seniors.
Joëlle Berthout
stophomophobie.org